La mort de Juve (Смерть Жюва)
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Sur le palier du premier 'etage, Fandor cependant s’immobilisa brusquement.
— Ah, cr'edibis`eque !
Clou'e sur le sol, pench'e en avant, aux aguets, Fandor semblait 'eprouver une terrible 'emotion. Puis, il se pr'ecipita en furieux le long d’une galerie, qu’il parcourut sans aucune pr'ecaution, appelant :
— H'el`ene, H'el`ene.
Fandor, du palier, avait cru entendre une plainte continue. Au bout du corridor, en effet, `a un angle de la galerie, il d'ecouvrit le carr'e lumineux d’une porte entrouverte. Fandor fut en un 'eclair `a l’entr'ee de cette chambre. Il ne s’'etait pas tromp'e, c’'etait bien de l`a que partaient les sanglots.
H'el`ene, atrocement p^ale, dans un grand lit, secou'ee par la fi`evre, appelait, qui ?
— H'el`ene, H'el`ene, m’entendez-vous ?
Comment lui venir en aide ?
— Fandor, g'emit-elle.
Or, tandis que le jeune homme jetait un regard rapide dans la pi`ece sommairement meubl'ee, meubl'ee en h^ate, Fandor tressaillit.
Coll'e contre le mur, juste au-dessus de la petite 'etag`ere surcharg'ee de flacons, il venait d’apercevoir un papier dont la suscription 'etait surprenante au plus haut point :
Pour Fandor.
Fant^omas savait donc qu’il allait venir.
Fandor lut d’abord sans comprendre.
La notice indiquait minutieusement les soins `a donner `a la jeune fille, les potions qu’il fallait lui faire prendre d’heure en heure, et dont les fioles 'etaient l`a, toutes pr^etes.
Et Fandor, insoucieux du danger, se transforma en garde-malade.
La nuit passa lente et froide. Fandor 'etait au chevet de la jeune fille. L’aube rougeoyante alluma des reflets sinistres dans la pi`ece. Puis le grand jour se fit. Des ang'elus tint`erent aux clochers voisins. Fandor 'etait toujours au pied du lit d’H'el`ene, sa montre en main, surveillant le sommeil fi'evreux de la malheureuse.
Or, comme il pouvait ^etre `a peu pr`es six heures du matin, Fandor fut tir'e brusquement de sa triste songerie par une fusillade nourrie.
— Ah, sapristi, est-ce que, par hasard, Fant^omas…
Fandor courut aux fen^etres, retenant mal un 'epouvantable juron :
— La police, c’est la police.
Dans le parc, J'er^ome Fandor venait d’apercevoir un groupe d’une vingtaine d’hommes form'es en carr'e, le fusil `a l’'epaule et s’avancant vers le ch^ateau, tout en faisant feu sur les fourr'es, o`u, sans doute, les fauves surpris se terraient.
Eh oui, la police, avec Nalorgne et P'erouzin marchant devant.
Parbleu, si Nalorgne et P'erouzin 'etaient venus `a Saint-Martin, c’'etait bien probablement parce qu’ils 'etaient sur les traces de J'er^ome Fandor, accus'e d’espionnage, de trahison, de naufrage volontairement provoqu'e.
— Cette fois, se dit le journaliste, je crois que mes affaires se g^atent. J’avais les lions sur le dos, cette nuit, et ce matin j’ai les argousins sur les talons. Je perds au change. Comment me tirer de l`a ?
En h^ate, le jeune homme s’approcha de la petite table sur laquelle 'etaient rang'es les flacons de rem`edes qu’il administrait `a H'el`ene. Fandor tira son crayon, 'ecrivit de sa large 'ecriture :
La potion a 'et'e donn'ee, en dernier lieu, `a six heures moins le quart, il faudra l’administrer de nouveau, `a sept heures moins le quart.
Au-dessous, il signa, pourquoi pas ? il signa :
J'er^ome Fandor.
Le journaliste alors 'epingla la notice l`a o`u il l’avait trouv'ee. Il barra l’indication pour Fandor, qu’il remplaca par Messieurs les Policiers.
Puis, cela fait, il revint s’agenouiller tout pr`es du lit de la malheureuse H'el`ene. Lentement et avec une douceur infinie, Fandor attira la main fine de la jeune fille, et avec une douceur infinie, il y posa un tr`es long baiser.
Nalorgne et P'erouzin semblaient discuter avec les autres policiers sur les moyens d’envahir le ch^ateau.
— Les imb'eciles songea Fandor.
Il sourit, puis cria de toutes ses forces :
— Au secours, au secours !
Alors seulement, J'er^ome Fandor battit en retraite. Vingt m`etres `a peine le s'eparaient des agents que Nalorgne et P'erouzin, prudemment rest'es en arri`ere, jetaient `a ses trousses. Mais J'er^ome Fandor avait pour lui, pour assurer son salut, la t^ete froide et une habilet'e dont il avait donn'e maintes fois preuves.
— C’est bien le diable, songeait le journaliste, si je ne trouve pas un placard, un recoin, un meuble, n’importe quoi o`u me cacher.
La galerie qu’il suivait 'etait longue et tortueuse. Il y galopa. Elle finissait brusquement en cul-de-sac. Or, au moment o`u tout se compliquait, car Fandor allait ^etre pris au pi`ege, le journaliste entendit tr`es distinctement une voix qui lui criait :
— `A droite, la premi`ere porte `a droite, hardi, d'ep^echez-vous !
Qui 'etait-ce ?
J'er^ome Fandor ne s’attarda pas `a le chercher. Il revint sur ses pas, ouvrit la premi`ere porte `a droite, qu’il avait prise pour la porte d’une chambre : elle donnait sur un escalier.
Dans cet escalier, un homme l’attendait, qu’il voyait mal dans l’ombre :
— Vite, cria l’inconnu, fermez la porte derri`ere vous, et descendez.
Fandor ob'eit.
— Mais qui ^etes-vous ?
Comme `a la suite de l’homme il d'egringolait les 'etages, l’inconnu souffla quelque chose que Fandor ne comprit pas :
— Passez par ici, dit l’inconnu.
Il ouvrait une porte de cave et, pour h^ater la fuite de Fandor, sans doute, l’attrapa aux 'epaules, le bouscula. En m^eme temps, Fandor eut l’horrible impression qu’il tombait dans un trou, que le sol se d'erobait sous lui, qu’il 'etait jet'e dans une oubliette. La vie de ch^ateau bien s^ur.
Et, tandis que Fandor d'egringolait ainsi le long d’une sorte de paroi lisse, `a forme d’entonnoir, tandis qu’il s’efforcait vainement de se retenir, tandis qu’il avait l’impression de descendre au tombeau, il entendit une voix railleuse :