La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Qui, je suis J'er^ome Fandor ? Parbleu. Je n’aurais pas cru que vous auriez besoin de le demander.
***
Il y avait deux heures que J'er^ome Fandor, surpris par la tra^itrise de Fant^omas, demeurait prisonnier au fond de l’oubliette.
— 'Evidemment, se disait le journaliste, il trouve pr'ef'erable de me faire crever de faim. Il a choisi pour moi la mort lente. Cela ne m’'etonne pas de lui.
Or, tandis que Fandor, au fond de son oubliette, se prouvait `a lui-m^eme, avec des arguments irr'efutables, qu’il 'etait `a coup s^ur destin'e `a la mort sans phrases, que dans l’ombre imp'en'etrable un bruit de pas retentit.
Et puis une voix :
— Fandor ? J'er^ome Fandor ?
— Qui va l`a ? qui me parle ?
Une voix nette, une voix dure :
— C’est Fant^omas.
Alors, la col`ere de J'er^ome Fandor 'eclata :
— Ah, c’est vous, Fant^omas ? Enchant'e de vous savoir l`a. Vous savez trahir, user des ruses les plus l^aches. Moi, J'er^ome Fandor, je saurai mourir sans me plaindre. Allons, Fant^omas, j’ai peut ^etre encore deux jours de vie. Eh bien, revenez dans deux jours, et vous verrez que J'er^ome Fandor sait mourir en brave.
Fant^omas lui r'epondit, tr`es calme, sans hausser le ton :
— Vous avez tort, vous vous trompez, J'er^ome Fandor. Je ne veux pas votre mort.
— Allons donc.
— Je vous l’assure.
— Que d'esirez-vous donc ?
— Votre aide.
— Ah ?
— Pas de paroles inutiles.
— Parlez, Fant^omas.
— Fandor, j’aurais pu vous tuer, ainsi que Juve qui s’est fait transporter tout paralytique qu’il est, `a Saint-Martin. Eh bien, Fandor, je viens vous proposer la vie sauve pour vous et votre ami.
— En 'echange de quoi ?
— En 'echange des papiers d’H'el`ene, des papiers que vous m’avez vol'es en Afrique, de ces papiers que Juve poss`ede toujours et qu’il me faut. Je vous tire de ce tombeau, je ne tente rien contre vous ni Juve, et vous me rendez les papiers de ma fille. Acceptez-vous ?
— Fant^omas, vous vous moquez de moi. Je refuse.
— Pourquoi ? Vous pr'ef'erez la mort ? Vous trouvez que ma proposition est d'eshonorante ? Je ne vous demande pourtant pas de renoncer `a mener campagne contre moi ? je ne vous demande rien.
— Fant^omas, vous m’offrez la vie ? c’est tr`es bien. Actuellement, gr^ace `a vous, j’ai toute la police sur le dos. Merci de l’offre. Non, Fant^omas, je ne vous dirai pas o`u sont les papiers d’H'el`ene. D’abord parce que je ne le sais pas, et qu’il faudrait les demander `a Juve, ensuite, parce que vous ne les payez pas assez cher.
— Je suis au-dessus de vos insultes. 'Ecoutez-moi une derni`ere fois, J'er^ome Fandor. Je reprends ma proposition. Je la reprends en la compl'etant. Vous vous engagez tout bonnement `a me remettre dans trois jours les papiers de ma fille. Vous vous y engagez en me donnant rendez-vous o`u bon vous semblera. Je me fie `a vous. De mon c^ot'e, je vous jette une corde, je vous tire d’ici, ce qui est vous sauver de la mort, j’'ecris sous votre dict'ee une lettre dans laquelle, tr`es nettement, j’'etablis que je suis l’auteur des crimes dont vous ^etes accus'e. Cette lettre, je ne vous la donne pas, pour ^etre certain que, si vous ^etes arr^et'e, elle ne sera pas saisie sur vous, ce qui m’enl`everait le temps de fuir, mais je vais devant vous la mettre `a la poste. Cette lettre, je m’arrange pour qu’elle vous parvienne dans trois jours. Donc, si vous ^etes arr^et'e, comme vous le craignez, dans trois jours, gr^ace `a cette lettre, vous serez rel^ach'e. Enfin parce que cela est juste et que cela me convient, j’'ecris en m^eme temps `a Nalorgne et `a P'erouzin, qui sont deux de mes complices, et j’'ecris de telle facon que cette seconde lettre am`ene leur arrestation. Voici ma proposition, J'er^ome Fandor : vous me donnez les papiers de ma fille et moi je vous sauve, j’'epargne Juve, je vous innocente, je fais arr^eter deux coupables. Acceptez-vous ?
(Silence dans les oubliettes. Fandor songe. Fandor p`ese le pour et le contre. Enfin il reprend la parole :)
— J’accepte. Dans trois jours, dans quatre plut^ot, car je serais probablement pris et on ne me rel^achera que dans trois jours, dans quatre jours, Fant^omas, je vous rendrai les papiers de votre fille, je vous en donne ma parole d’honneur. Vous n’aurez qu’`a vous rendre rue Bonaparte, chez Juve, vous m’y trouverez. Maintenant, 'ecrivez la lettre !
— J’ai votre parole, J'er^ome Fandor. Vous avez la mienne. Dictez, j’'ecris. Je sais que vous aimez H'el`ene, Fandor, vous conviendrez que je dois l’aimer aussi pour vous offrir la vie en 'echange de quelques documents utiles `a elle seulement.
Le bandit se tut. Une lumi`ere soudaine illuminait l’oubliette o`u Fandor avait pens'e mourir. Fant^omas 'etait debout, dans une sorte de trou noir qui s’ouvrait `a mi-hauteur de la paroi et devait aboutir `a quelque souterrain. Il 'ecrivait sous la dict'ee de Fandor la reconnaissance du crime que le journaliste lui pr'ecisait, puis il jeta la lettre `a Fandor :
— Ai-je chang'e un mot ?
— Non.
— Alors, rendez-moi cette lettre.
Et comme Fandor la lui restituait `a bout de bras, Fant^omas, qui s’en 'etait saisi, lui expliqua :
— Je vais vous jeter une corde. Vous grimperez. Elle vous m`enera `a ce souterrain o`u je suis, suivez-le. Dans vingt minutes, vous d'eboucherez en pleine campagne, un homme marchera devant vous. Ce sera moi. Vous serez libre de le suivre. Vous le verrez aller `a la poste, jeter dans la bo^ite les deux lettres que je vous ai promises. Apr`es, Fandor, votre devoir sera d’aller trouver Juve et de lui r'eclamer ce que, de votre c^ot'e, vous vous ^etes engag'e `a me remettre.
Le journaliste se demandait s’il avait eu raison d’accepter le compromis. Sa conscience lui disait oui, son orgueil non.
21 – ARRESTATION AVEC FANDOR
— Ah, te voil`a, polisson !
— Juve, Juve, il se passe des choses.
Fandor venait de faire irruption dans la petite chambre d’h^otel, `a Saint-Martin, o`u l’infortun'e Juve, plus paralytique que jamais, s’'etait fait transporter quelques jours auparavant.
D’une voix calme, mais l'eg`erement railleuse, le paralytique r'epondit :
— Je le vois bien, Fandor. Tu perds la t^ete. Depuis quelques jours, d’ailleurs, tu commets gaffe sur gaffe.
— Moi ? Qu’ai-je donc fait ?
— Non seulement tu fais des gaffes, mais tu me forces `a me d'eranger, `a venir ici, et je te prie de croire que ce village n’a rien d’enchanteur. Surtout l’hiver. Il fait un froid… D’ailleurs, puisque tu es l`a, Fandor, mets donc une b^uche dans le feu !
De plus en plus abasourdi par le calme imperturbable de Juve, Fandor ob'eit machinalement. Il posa un gros morceau de bois dans la chemin'ee. Une flamme jaillit.
— Ah ca, Juve, vous saviez donc o`u j’'etais ?