Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Beaum^ome n’insista pas.
Depuis qu’il 'etait arriv'e `a Dieppe, c’est-`a-dire depuis trois heures de l’apr`es-midi, le temps, en effet, avait chang'e.
Alors que l’amoureux de Nini avait eu, pour venir d’Angleterre en France, une mer assez belle, `a peine houleuse, il semblait bien que sa travers'ee de retour dut ^etre d'etestable.
Le vent soufflait maintenant par violentes rafales, les nuages gris qui passaient, tr`es bas, rasant presque les flots 'etaient rien moins que rassurants.
Mais cela importait peu `a Beaum^ome qui se moquait pas mal de la temp^ete et de l’ouragan…
— Si ca bouillonne dans la marmite, pensait-il en lui-m^eme, moi je m’en fiche pas mal, au contraire. Le tout c’est que cet animal de French ait l’inspiration de monter sur le pont tout `a l’heure… ca c’est l’essentiel… Il monte et je me charge de le faire descendre…
Mais French allait-il monter sur le pont ?… `A peine le bateau 'etait-il sorti du port de Dieppe qu’une grande inqui'etude s’emparait de Beaum^ome…
L^ache et poltron, l’apache trouvait fort plaisant, fort avantageux en tous points de pouvoir assassiner French pendant la travers'ee. C’'etait commode d’abord pour se d'ebarrasser du cadavre. S’il pouvait jeter French `a l’eau, la mer garderait le secret, comme elle en garde tant d’autres, jalousement…
Et c’est pourquoi Beaum^ome d'esirait fort pouvoir attaquer French `a bord de l’ 'Ecosse.
`A coup s^ur, si cela 'etait impossible, l’apache ferait contre mauvaise fortune bon coeur et assassinerait le d'etective `a son d'ebarquement… Oui, sans doute, puisque French n’apparaissait pas sur le pont.
— Qu’est-ce qu’il fout, cet animal-l`a ? grommelait Beaum^ome, maintenant de m'echante humeur…
Et, prenant une d'ecision soudaine, Beaum^ome se disait :
— Apr`es tout, `a l’int'erieur du bateau, dans le faux-pont, il fait `a peine clair, il y a bien des chances pour qu’il ne me reconnaisse pas, je ne risque pas grand-chose en allant voir ce qu’il devient..
Beaum^ome quitta le pont, descendit par l’escalier du rouf, s’orienta, entreb^ailla la porte du salon commun o`u les passagers d'esireux de dormir s’'etaient d'ej`a 'etendus sur des couchettes…
French n’y 'etait pas…
— Cr'e bon sang, murmurait l’apache, pourtant il ne s’est pas foutu `a l’eau tout seul ?…
Poursuivant sa visite, Beaum^ome continuait `a parcourir le b^atiment.
Contre la chambre des machines un fumoir s’ouvrait…
Beaum^ome, par un hublot donnant sur le faux-pont examina les voyageurs.
Soudain il tressaillit d’aise. Juste devant lui, il venait d’apercevoir le d'etective qui, allumant une cigarette (encore une victime du tabac), causait avec l’un des garcons du bord `a qui, vraisemblablement, il donnait des instructions.
— Qu’est-ce qu’il peut lui raconter ? songeait Beaum^ome. Il a tort de se faire remarquer, cet animal-l`a, il aurait bien pu rester tranquille…
Beaum^ome 'etait homme de d'ecision…
Avec une audace extraordinaire il entra dans le salon et, tournant le dos `a French, feignit de feuilleter une revue tra^inant sur la table.
Beaum^ome 'ecoutait le policier discuter avec le garcon :
— Monsieur ne veut pas retenir une couchette ?
— Non, mon ami, non…
— Monsieur sait que dans une heure elles seront toutes prises ?… Monsieur regrettera…
— Si je le regrette je le verrai bien, dit-il, je pr'ef`ere faire un tour sur le pont…
— Monsieur ne se rend pas compte qu’on ne peut pas tenir sur le pont, il fait froid et l’on y est tremp'e…
— C’est ce que je vais voir.
French, pour se d'ebarrasser des sollicitations du steward, quitta le fumoir.
Derri`ere lui Beaum^ome, `a distance respectueuse, marchait…
— Et allez donc, Poupoule, gouaillait l’apache, c’est innocent comme l’enfant qui vient de na^itre. En voil`a un qui perd une occasion de rester au chaud. Il est vrai que s’il a le mal de mer, je m’en vas le gu'erir de facon d'efinitive et radicale…
Maintenant, sorti de l’abri des jet'ees et surtout sorti de l’abri des caps de la falaise, l’ 'Ecosse, parvenu dans la mer ouverte, roulait, tanguait….
`A chaque lame il piquait du nez, des embruns parcouraient le pont… les rares passagers qui jusqu’alors, tant en seconde qu’en premi`ere classe, avaient voulu 'eviter de gagner les salons, 'etaient oblig'es, l’un apr`es l’autre, de se retirer.
— De mieux en mieux, pensait Beaum^ome…
Pour l’apache, lui, il n’avait cure des embruns…
Il s’'etait rencogn'e, `a peu pr`es `a l’abri de tous les regards, garanti des paquets de mer, entre le bastingage et l’une des embarcations de secours install'ee sur un chevalet. De cet abri, Beaum^ome ne perdait de vue aucun des mouvements de French.
Le d'etective, `a cent lieues de se douter qu’on le surveillait ainsi, s’'etait d’abord arr^et'e au milieu de l’escalier qui faisait communiquer le faux-pont avec le pont.
Les mains dans les poches, le chapeau enfonc'e jusqu’aux oreilles, il fumait un gros cigare, dans l’attitude d’un homme qui aime le voyage, aime encore plus la mer, et s’appr^ete `a jouir du spectacle, toujours f'eerique d’une travers'ee par mauvais temps.
French, quelques minutes apr`es, ayant essuy'e une s'erie d’embruns qui le trempait `a moiti'e, se rendait compte que sa position n’'etait pas tenable…
O`u se mettre pour n’^etre pas atteint par les paquets de mer ?…