Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Monsieur Sigissimons, autant vous l’avouer, puisque vous l’avez devin'e. C’est vrai, j’appartiens `a la police, je suis d'etective, mon nom n’est pas M lleDaisy, je m’appelle M meDavis…
— Que venez-vous chercher chez moi ?
— Un renseignement, monsieur Sigissimons, un renseignement ainsi que vous l’avez d’ailleurs compris : j’ai besoin de d'ecouvrir quelle est la personne qui est venue, il y a quelques semaines, faire photographier dans votre atelier un enfant de dix-huit mois `a deux ans environ, que d’ores et d'ej`a j’ai identifi'e : c’est un petit garcon nomm'e Daniel, et dont la m`ere n’est autre que Francoise Lemercier, la ma^itresse de ce pauvre Garrick.
— …De ce pauvre Garrick que la Cour d’Assises vient de condamner `a ^etre pendu ?… Oui, je suis au courant de cette affaire, madame Davis…
— Ne m’appelez pas M meDavis…
— Pourquoi, puisque c’est votre nom ?
— Pr'ecis'ement parce que c’est mon nom. Je vous ai r'ev'el'e ma qualit'e, `a vous le directeur de la maison, mais il est inutile que tout le personnel sache ce que je viens faire dans votre administration…
— C’est juste, madame Davis, pardon, mademoiselle Daisy… mais qu’y a-t-il ?
La porte du bureau dans lequel le photographe Sigissimons et M meDavis, la femme d'etective, membre du Conseil des Cinq, s’entretenaient ainsi, venait de s’ouvrir subitement, livrant passage `a un n`egre du plus beau noir, `a la haute stature, aux 'epaules carr'ees. V^etu d’une grande houppelande verte garnie de boutons brillants et de galons d’argent, il portait sur la poitrine des aiguillettes d’or, sur sa chevelure cr'epue se dressait une immense casquette `a la visi`ere vernie ; les pieds du personnage 'etaient chauss'es de larges souliers jaunes, cependant que ses mains 'etaient dissimul'ees sous d’immenses gants blancs aux doigts trop longs…
Ce n`egre 'etait le
— Moussi'e, dit le serviteur en s’adressant `a son patron, dans son jargon, moi venu ici pour te dire qu’il y a en bas quelqu’un venu pour faire son portrait… Veux-tu que je lui dise de monter devant grosse machine qui imite les fiacres ?…
M. Sigissimons, tout en consid'erant M meDavis, demeur'ee impassible, r'eprimait une forte envie de rire.
Il r'eexp'edia le noir `a son poste officiel, c’est-`a-dire devant la porte d’entr'ee, o`u il avait charge de constituer une r'eclame vivante.
— Job, d'eclara-t-il, ce n’est pas `a vous de venir faire ces commissions. Vous ne devez pas quitter le hall, je vous paie pour qu’on vous voie, et fichtre, vous en valez la peine…
— Bon… bon… moussi'e, r'epondit le n`egre, toi pas f^ach'e… moi descendre sur le trottoir, moi dire `a bonne femme de t’attendre dans le salon…
M meDavis et Sigissimons reprirent leur entretien.
— D’o`u connaissez-vous ce n`egre, cher monsieur ?
— Mais je ne le connais pas du tout, je l’ai embauch'e voici huit jours sur sa bonne mine, sa belle couleur et sur la foi 'egalement d’une petite annonce du Times.
M meDavis hocha la t^ete :
— Ce n’est pas tr`es prudent de prendre n’importe qui…
Sigissimons haussait les 'epaules :
— Tenez, madame Davis, rien qu’`a votre attitude perp'etuellement soupconneuse, j’aurais devin'e que vous apparteniez `a la police… les moindres choses paraissent compliqu'ees aux gens de votre profession, et vous voyez toujours des faits myst'erieux l`a o`u il n’y a rien…
— Oh !… commenca M meDavis…
Mais Sigissimons lui coupa la parole :
— Croyez-moi, madame Davis, il ne faut rien exag'erer… tenez ce brave Job est certainement un honn^ete garcon. Il y a deux raisons `a ca. Primo, il est compl`etement idiot, et secundo il est amoureux.
— Amoureux ?
— Parbleu oui… et amoureux de vous, madame Davis : pour ^etre d'etective vous n’en ^etes pas moins femme… et j’aime `a croire que vous vous ^etes apercue des regards passionn'es que vous jette ce superbe noir, `a chaque fois qu’il a l’occasion de vous rencontrer sur son passage…
— Mon pauvre monsieur Sigissimons, vous vous faites des illusions et vous oubliez que je ne suis plus d’^age `a d'echa^iner des passions, m^eme des passions de n`egre…
Sigissimons allait r'epondre quand un blanc fit son entr'ee dans le bureau.
Il 'etait porteur d’une grande valise qu’il d'eposa sur le plancher…
— Voil`a, patron, d'eclara-t-il, s’adressant `a Sigissimons, il y a quelques pi`eces qui m’ont paru int'eressantes et que j’ai acquises `a la cri'ee…
Sigissimons jeta un rapide coup d’oeil sur les objets apport'es par son employ'e. C’'etaient des accessoires de photographie, des appareils, des magasins `a plaques, des produits chimiques qui, 'evidemment, provenaient de ventes priv'ees ou publiques, ventes judiciaires ou de Mont-de-Pi'et'e.
Sigissimons avait l’habitude de faire de semblables emplettes, et fr'equemment, il trouvait chez les d'etaillants, les bric-`a-brac ou m^eme les revendeurs, des occasions tout `a fait avantageuses.
— C’est bien, Charley, d'eclara Sigissimons, c’est bien… voici des appareils qui me semblent en parfait 'etat, n’avez-vous pas pay'e ce lot trop cher ?
— Presque rien, patron…
L’employ'e allait 'enum'erer `a Sigissimons le d'etail avantageux de ses achats, lorsque soudain le patron d’un bref monosyllabe, invita son employ'e `a sortir.
Il avait pris cette d'ecision `a la suite d’un coup d’oeil significatif que lui avait lanc'e M meDavis…
Lorsque Charley se fut retir'e et que les deux interlocuteurs se trouv`erent `a nouveau seuls, Sigissimons interrogea :