Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Toutefois, M meDavis 'etait une honn^ete femme.
Pour rien au monde elle n’aurait c'ed'e au n`egre.
Mais cette id'ee d’^etre aim'ee de Job, de Job, le grotesque personnage charg'e de faire remarquer la boutique de Sigissimons rien que par sa silhouette invraisemblable, lui parut si comique qu’elle 'eclata de rire.
…Et M meDavis au fur et `a mesure qu’elle se d'ebattait, cherchait `a s’arracher de l’'etreinte de Job, d'efaillait presque `a force d’avoir ri.
Le n`egre, toutefois, ne se d'econtenancait pas et peut-^etre serait-il arriv'e `a ses fins si M meDavis, qui ne perdait aucunement son sang-froid, n’avait r'eussi `a gagner la porte du cabinet noir et `a l’ouvrir brusquement d’un vigoureux coup de pied.
Le jour p'en'etra alors `a flots, inondant la pi`ece de lumi`ere.
Le n`egre, d'esesp'er'e de cette solution inattendue, l^acha alors prise, se sauvait confus, honteux, roulant ses gros yeux en boule de loto et murmurant des paroles inintelligibles.
M meDavis ne s’attardait pas `a le poursuivre.
Tandis que le n`egre s’enfuyait, elle poussait un cri et rapidement se pr'ecipitait `a nouveau dans le cabinet noir dont elle refermait la porte sur elle ; puis fi'evreusement elle consultait la pellicule, non encore fix'ee qui repr'esentait M meGarrick.
H'elas ! ce qu’avait craint M meDavis s’'etait produit. Le rayon de lumi`ere blanche avait 'et'e fatal au document photographique, la pellicule 'etait voil'ee, on ne reconnaissait plus rien de la maison, ni du balcon, ni de la jolie femme qui y 'etait appuy'ee…
M meDavis ne put r'eprimer son d'epit.
Elle en voulait, cette fois, au n`egre, non pas tant d’avoir essay'e de la violenter, mais de lui avoir fait perdre la meilleure preuve qu’elle pouvait produire de l’innocence de son coll`egue Tom Bob…
M meDavis, toutefois, ne s’attarda pas `a d'eplorer un 'ev'enement irr'em'ediable. Au surplus, elle 'eprouvait une consolation : sur la premi`ere des photographies, celle repr'esentant le pont du navire, on reconnaissait parmi les passagers, d’une facon assez nette d’ailleurs, M meGarrick.
La femme d'etective appelait quelques instants apr`es l’un des employ'es de Sigissimons.
— Monsieur Charley, disait-elle au jeune homme qui venait r'epondre, voici un document de la plus haute importance… combien de temps vous faut-il pour tirer une 'epreuve ?
L’employ'e, v^etu d’une longue blouse blanche et dont les mains 'etaient d'ej`a encombr'ees de ch^assis, de verres, de photos `a demi s`eches, apr`es un rapide regard d'eclara :
— Il faut au moins deux heures pour s'echer ces pellicules, et autant pour tirer les positifs…
— C’est bien, coupa M meDavis d’un ton sec, veuillez me faire ce travail d’urgence, j’en ai le plus grand besoin.
***
Quelques instants apr`es, M meDavis quittait l’atelier de Sigissimons.
La femme d'etective passa devant l’entr'ee du magasin o`u le n`egre 'etait venu reprendre sa faction. M meDavis se trouva alors dans Holborn Viaduct, fit avancer un cab, y monta.
***
— Vous avez demand'e `a me voir, madame ?
Celle-ci sans s’asseoir, r'epondit :
— Monsieur le coroner, je viens de faire une d'ecouverte importante. Tom Bob…, je veux dire Garrick, est absolument innocent du meurtre de sa femme…
Le coroner ne bronchait pas, un pli soucieux s’imprima sur son front.
— Encore cette affaire, dit-il avec un air ennuy'e ; Garrick, madame Davis, a 'et'e condamn'e en dernier ressort…
M meDavis ne se laissa pas 'emouvoir par l’indiff'erence du magistrat.
— La r'evision s’impose, monsieur, affirma-t-elle… elle s’impose absolument…
La femme d'etective alors, racontait par le menu au coroner les d'ecouvertes sensationnelles qu’elle venait de faire ; d’abord l’appareil ayant appartenu `a French et ensuite les photographies… la photographie tout au moins qui lui restait, qu’elle avait trouv'ee dans cet appareil.
Le coroner semblait sortir peu `a peu de son apathie naturelle.
Assur'ement, il 'etait bien 'evident qu’en principe il lui d'eplairait de revenir sur cette affaire termin'ee, juridiquement parlant, mais le magistrat instructeur 'etait aussi un honn^ete homme, et quoi qu’il p^ut lui en co^uter d’ennuis personnels et de complications dans son existence, il ferait le n'ecessaire pour permettre aux partisans de l’innocence de Garrick de fournir `a la justice et aux pouvoirs publics toutes les preuves de cette innocence.
— Apportez-moi donc ces photographies, demanda-t-il, lorsque M meDavis eut achev'e son r'ecit, je les soumettrai au lord chancelier, et peut-^etre jugera-t-il de son devoir de renvoyer `a nouveau devant le jury le proc`es de Garrick…
M meDavis ne s’'etait pas fait r'ep'eter cette invitation. Regagnant rapidement son cab, elle se fit reconduire au magasin du photographe Sigissimons.
***
Depuis une heure, depuis que M meDavis 'etait partie, le n`egre Job paraissait en proie `a une extr^eme 'emotion. Il allait et venait de long en large devant le magasin. `A deux ou trois reprises, il avait abandonn'e son poste, 'etait rentr'e furtivement dans les ateliers, s’'etait introduit dans le cabinet noir.
Au moment o`u il sortait de cette pi`ece, Charley le rencontrait, le n`egre devenait tout gris, ce qui est pour les gens de sa race la facon de rougir :
— Que fais-tu l`a, Job ? interrogeait Charley.
— Rien du tout, moussi'e Charley… moi pas faire mal…
L’employ'e ne remarquant pas le trouble du n`egre ne se pr'eoccupait pas autrement de cette r'eponse embarrass'ee.
Cependant, le n`egre, apr`es avoir h'esit'e quelques secondes, articulait :