Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
La vue du repaire vide, ou presque vide, le d'esillusionnait.
Fant^omas, s^urement, n’'etait pas dans le bouge `a cette heure ! Il 'etait probable m^eme qu’il n’y viendrait pas, car si les Grouilleurs 'etaient dehors, c’'etait qu’ils 'etaient partis en exp'edition, c’'etait qu’ils effectuaient une quelconque de leurs terribles et sinistres besognes.
Juve songeait d'ej`a `a se retirer et venait de se lever, lorsque le chef l’arr^etait d’un geste :
— 'Ecoute, Job Askings, d'eclarait le vieillard, j’ai une gr^ace `a te demander.
— Laquelle ? fit Juve assez surpris.
— J’ai une pri`ere `a t’adresser, reprenait le chef, et je te l’adresse de tout mon coeur, de toute mon ^ame, en toute humilit'e.
— Parle ! fit encore Juve.
Mais ce d'ebut 'etait si extraordinaire que Juve, `a cet instant, froncait les sourcils, se demandant s’il ne cachait point quelque pi`ege, s’il n’allait pas apprendre quelque terrible nouvelle.
Le chef dit, baissant la voix :
— Je voudrais te parler, mais te parler seul `a seul. Ici, mes compagnons nous 'ecoutent. Veux-tu venir ?
Le vieillard faisait un pas vers le fond du souterrain. Juve tressaillit plus encore.
— Ah c`a, il veut m’entra^iner !… Est-ce que, par hasard… ?
Et Juve songea qu’il 'etait peut-^etre victime d’une extraordinaire et savante com'edie.
Qui prouvait que les Grouilleurs, en effet, n’avaient pas 'et'e pr'evenus par Fant^omas ?
Qui prouvait qu’ils n’avaient pas v'erifi'e le contenu de l’enveloppe bourr'ee de papiers quelconques ?
Peut-^etre l’avait-on bien recu pour endormir sa m'efiance !…
Peut-^etre le chef inventait-il le pr'etexte d’une confidence tout simplement pour mieux endormir encore ses soupcons, le conduire au fond de la caverne, et l`a, certain qu’il ne pourrait se d'efendre, certain que ses cris et ses appels ne pourraient ^etre entendus, le faire 'egorger, le faire abattre comme un chien !…
Juve, en un instant, songea `a tout cela. Il rougit cependant de honte.
— Mon Dieu, pensa Juve, ces pens'ees qui me viennent `a l’esprit ne sont gu`ere dignes de moi !… Les Grouilleurs, apr`es tout, ont 'et'e fort honn^etes `a mon 'egard, je n’ai pas le droit de les accuser de bassesse.
Et, r'eellement victime d’un point d’honneur que son intelligence condamnait, Juve accepta.
— Je te suivrai o`u tu voudras, chef. Allons causer o`u bon te semblera !
— Viens, Job Askings ! dit le vieillard.
Les deux hommes long`erent l’'egout, le vieillard guidait Juve et menait le policier `a une sorte de renforcement qui avait toutes les apparences d’un cachot.
— Allons ! je suis jou'e ! pensa Juve.
Et le policier songeait que son browning comportait tout juste six balles, que lorsqu’il aurait tir'e ces six coups il serait d'esarm'e, `a la merci de ceux qui allaient se jeter sur lui…
Or le chef, entr'e dans la pi`ece derri`ere le faux Job Askings, ne faisait nul mouvement inqui'etant. Alors que Juve s’attendait `a le voir brusquement appeler, alors qu’il se pr'eparait `a voir surgir une bande de Grouilleurs pr^ets `a faire bon march'e de sa vie, Juve voyait au contraire le vieillard fr'emir, joindre les mains dans un geste de supplication.
— Je suis pauvre, d'eclarait le chef des Grouilleurs ! Je suis tr`es pauvre, Job Askings, et ce que je vais te demander, c’est la richesse…
— Parle ! r'ep'eta Juve.
Mais cette fois encore le policier s’inqui'etait.
Il se rappelait parfaitement qu’il avait annonc'e aux Grouilleurs qu’il avait du
Et Juve, qui poss'edait tout juste quelques billets de cent francs sur lui, songea encore une fois qu’il allait ^etre pris de court.
Le chef des Grouilleurs pourtant, ne semblait nullement songer `a demander l’aum^one.
Il continuait d’une voix basse et d’une voix fi`ere aussi :
— C’est bien la richesse que je vais te demander ! Job Askings ! je ne vais pas te la demander pour moi, je vais te la demander pour mon fils. Tu m’'ecoutes ?
— Je t’'ecoute ! dit Juve.
Le chef des Grouilleurs reprit :
— Je sais, Job Askings, que tu es en Angleterre le plus grand des pickpockets. On t’appelle le Roi des voleurs, comme on appelle Fant^omas le Roi du crime. Il n’est rien de difficile pour toi, il n’est rien qui soit trop d'elicat pour ton audace. Tu peux tout ! Tu r'eussis tout ce qu’il te pla^it d’entreprendre… Eh bien, Job Askings, voil`a ce que je veux te supplier de m’accorder : mon fils est courageux, adroit, pourtant, il ne saurait pr'etendre `a t’'egaler, m^eme de loin. Veux-tu ^etre son ma^itre ? Veux-tu lui donner des lecons ? Veux-tu lui apprendre ta mani`ere ?… Veux-tu ^etre son chef ?
Et certes, `a cet instant, Juve pensait `a la fois 'eclater de rire et crier de stup'efaction.
Ah ! vraiment, la requ^ete qu’on lui adressait `a lui, Juve, qui 'etait le roi des policiers, 'etait plus qu’extraordinaire !
On lui demandait de dresser un voleur !… On le suppliait d’apprendre `a un novice quelques-unes des facons ing'enieuses dont il convient d’op'erer pour d'epouiller les passants !…
— Sang et tonnerre ! grommela Juve, comme ce pauvre vieux bonhomme place dr^olement sa confiance !…
Cela le faisait sourire, mais cela l’inqui'etait aussi pourtant.
Juve prit une seconde pour r'efl'echir avant de r'epondre.
— Voyons, se dit le policier, quel parti dois-je prendre ? Que dois-je faire ? accepter ou refuser ?
Juve, passant ces deux hypoth`eses en revue, se rendait compte qu’elles ne lui 'etaient favorables ni l’une ni l’autre.
Si par aventure Juve refusait de donner des lecons qu’on le sollicitait d’accorder, il risquait de perdre tout cr'edit chez les Grouilleurs, et ce cr'edit pouvait lui ^etre utile.