Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
Mais il 'etait certain aussi que si Fant^omas n’avait point parl'e, Juve avait peut-^etre bien des choses int'eressantes `a apprendre de ces mis'erables.
C’'etait sans doute pour cela que Juve s’'etait rendu chez les Grouilleurs.
— Est-ce que vous ne m’attendiez pas ? demandait-il.
Le vieux chef, qui s’'etait lev'e pour avancer `a la rencontre du policier, se courba litt'eralement en deux !
— Si fait, r'epondait-il d’une voix calme, et sans le moindre 'etonnement, je t’attendais, moi, Job Askings ! Je n’oubliais pas, en effet, que j’avais un d'ep^ot `a te rendre…
`A ce moment, Juve tressaillit.
Il avait compl`etement oubli'e, en effet, qu’il avait confi'e aux Grouilleurs une enveloppe bourr'ee de vieux papiers qui devait soi-disant contenir une liasse de cinquante billets de mille francs.
Juve l’avait oubli'e, mais les Grouilleurs s’en souvenaient.
Le policier fut fort 'emu de l’aventure.
— Sapristi, pensa-t-il, tr`es 'etonn'e, on se croirait chez les plus honn^etes gens du monde !… D’autant plus qu’`a coup s^ur ils n’ont pas ouvert l’enveloppe, car, s’ils l’avaient ouverte, ils se seraient apercus que je me suis moqu'e d’eux et, certainement, j’aurais `a m’en repentir !
Le vieux chef, toutefois, s’'etait recul'e. Il fouillait d'esormais dans la paillasse, il en tirait une enveloppe qu’il tendait `a Juve.
— Voil`a ton d'ep^ot, disait-il, je suis heureux de te le remettre intact. Tu peux compter si tu veux…
Mais Juve refusait, et pour cause.
— J’ai confiance en toi, dit-il, les p`egres comme nous ne se volent pas…
— Tu l’as dit ! fit le vieillard.
L’Enfer 'etait, ce soir-l`a, presque solitaire.
Juve, qui continuait `a regarder curieusement le repaire, notait qu’il s’y trouvait fort peu de bandits. Les autres 'etaient sans doute en exp'edition, Juve interrogea :
— Au fait, comment s’est termin'ee la bagarre de l’autre jour ?
Juve interrogeait le chef, curieux de conna^itre la sinc'erit'e dont il pouvait faire preuve. Juve savait fort bien, en effet, comment l’'echauffour'ee avait pris fin. Il s’'etait renseign'e `a ce sujet d`es le lendemain `a la pr'efecture, o`u nul n’avait pu croire ni m^eme soupconner qu’il avait jou'e un r^ole dans l’affaire ; il parlait donc simplement par v'eritable curiosit'e.
Le vieux chef, pourtant, en 'ecoutant la question de Juve, avait douloureusement tressailli :
— Ce fut une terrible aventure ! d'eclarait-il. Trois des n^otres ont 'et'e poiss'es ; seuls mon fils et l’un de mes compagnons ont pu regagner l’Enfer !…
Le vieillard, ayant dit, se taisait quelques instants, comme 'ecras'e sous le poids de ses r'eflexions.
— Ah ! la rousse ! la rousse ! d'eclarait-il soudain avec une expression de sombre 'energie, comme je la hais !… Comme je voudrais m’en venger !
Il grincait des dents d'esormais, il serrait les poings, subitement port'e au paroxysme de la col`ere.
— Tu la hais ? demanda encore Juve. Pourquoi ? Elle ne te fait point de mal, puisqu’en somme elle vous laisse la paix `a toi et `a tes compagnons…
Or, `a cette simple r'eponse de Juve, le vieillard haussait les 'epaules.
— La rousse ne me poursuit pas, oui, c’est vrai, disait-il, mais c’est parce qu’elle ne conna^it pas l’existence de l’Enfer.
`A ce moment, Juve voulut au hasard tenter une enqu^ete.
— C’est toi qui le dis, fit-il ironiquement. Mais crois-tu qu’aucun inspecteur de la S^uret'e ne soit en mesure de d'enoncer l’existence de ta bande ?
— Non, r'epondait le vieillard ; la rousse n’h'esiterait pas sans cela, et d’ailleurs j’ai des renseignements qui me prouvent que personne ne soupconne cet 'egout.
`A ce moment, Juve tressaillit.
`A quels renseignements faisait allusion le Grouilleur ? Qui pouvait l’avoir document'e ?
Juve n’eut pas besoin de questionner encore.
Le ma^itre de l’Enfer ajoutait en effet :
— C’est Trois-et-Deux qui me l’a dit !
Et Juve, qui ne connaissait pas Trois-et-Deux, nota ce nom, tout en se promettant d’en tirer parti.
Un quart d’heure apr`es cependant, Juve, qui s’'etait assis sur la paillasse, s’entretenait encore amicalement avec le chef des Grouilleurs. Celui-ci, qui 'etait toujours persuad'e qu’il avait affaire `a Job Askings, c’est-`a-dire au Roi des voleurs, traitait son h^ote avec un visible respect, avec une correction parfaite.
Juve, de son c^ot'e, ne se sentait point le courage de brusquer le vieil homme. Juve 'etait trop honn^ete, trop philosophe aussi, en effet, pour n’avoir pas 'et'e frapp'e par l’extraordinaire probit'e dont le Grouilleur avait en somme fait preuve en sa faveur.
Ne venait-il pas de lui rendre une enveloppe o`u soi-disant il y avait cinquante mille francs d’enferm'es ?
Cela faisait penser `a Juve que tout bon sentiment n’'etait pas mort dans l’^ame du bandit qu’il entretenait.
Ce chef, qui 'etait capable d’un tel acte de probit'e, ce chef-l`a 'etait
La mis`ere des Grouilleurs paraissait d’ailleurs `a Juve comme effroyable de plus en plus. Les premi`eres fois, en effet, o`u le policier s’'etait introduit dans le repaire, il avait alors 'eprouv'e trop d’'emotions diverses, trop de surprises multiples pour pouvoir bien examiner les lieux.
Rien ne l’en emp^echait ce jour-l`a. Juve examinait donc avec des regards d’'epouvante le souterrain si pauvrement am'enag'e o`u cantonnaient ces hommes qui 'etaient des bandits et qui avaient respect'e son d'ep^ot.
— Les 'etranges individus ! pensait Juve.
Mais, en v'erit'e, le policier ne s’'etait pas rendu `a l’Enfer simplement pour s’apitoyer ou s’'etonner `a propos de l’honn^etet'e des Grouilleurs.
Juve, en r'ealit'e, avait un peu esp'er'e qu’il rencontrerait l`a ce Fant^omas qu’il poursuivait depuis toujours et qu’il esp'erait bien enfin dompter, abattre, vaincre.