L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Monsieur ? Monsieur ? interrogea Blanche alarm'ee, que se passe-t-il ? renseignez-moi ! Que signifient ces coups de feu ? O`u est mon enfant ? O`u sont mes amis ?
L’homme avait pos'e sa lanterne sur une petite table ; il consid'era Blanche d’un air sinistre, les bras crois'es, le front pliss'e. Puis il ricana.
— Blanche Perrier, d'eclara-t-il, le moment des explications est venu. 'Ecoute. Tu m’as d'esob'ei, tu vas ^etre ch^ati'ee. Ta punition servira d’exemple, montrera que ce n’est jamais impun'ement que l’on enfreint mes ordres.
— Mais qu’ai-je fait ? demanda-t-elle interdite, en quoi vous ai-je d'esob'ei ?
— Tu as cherch'e `a fuir malgr'e ma d'efense, tu as quitt'e le couvent en emmenant avec toi H'el`ene et ton enfant.
— Mais, protesta Blanche au comble de la stup'efaction, si j’ai agi de la sorte, c’est sur les conseils de votre meilleur ami, de celui que vous consid'erez, comme votre fr`ere, comme votre fils, sur le conseil de J'er^ome Fandor.
— Ah, ah, Fandor, mon meilleur ami ? mon fr`ere ? mon fils ? ah oui donc !
Il s’arr^eta un instant, fit quelques pas, dans la pi`ece, jeta sur Blanche de plus en plus abasourdie, des regards f'eroces, puis, soudain, il bondit sur elle, lui prit le poignet, attira la jeune femme contre lui.
— 'Ecoute bien, Blanche Perrier, dit-il, et retiens ce que je vais te dire, car ce sont les derni`eres paroles que tu entendras.
— Les derni`eres paroles ?
— Les derni`eres paroles, car tu vas mourir.
— Mourir ? pourquoi ? Qu’ai-je fait ? Gr^ace, Juve, Juve, d'efendez-moi !
— Te d'efendre ? Allons donc. C’est moi qui vais te tuer.
D'eployant une vigueur extraordinaire de la part de sa fr^ele personne, Blanche Perrier s’arracha `a l’'etreinte de celui qui la maintenait.
— C’est impossible, hurla-t-elle, Juve ne tue pas. Juve n’est pas un assassin. Juve, au contraire, sauvegarde et prot`ege.
Elle n’acheva pas.
— Triple sotte, tu n’as donc pas compris qui je suis ? Moi, l’homme qui te parle en ce moment ? Celui qui va te ch^atier et te faire p'erir ? Aussi bien en ai-je assez de passer sans cesse pour Juve, Juve le perspicace, Juve l’honn^ete homme, Juve l’irr'eprochable. Non, non, je ne suis pas cela et je m’en vante. Regarde-moi bien Blanche Perrier, pour que tes yeux emportent jusqu’au fond de la tombe le souvenir de mon visage. Je ne suis pas Juve. Je suis Fant^omas. Fant^omas !
Blanche Perrier bondit `a travers la pi`ece comme une b^ete fauve, comme une folle. Elle allait au hasard, se heurtant aux murs, tr'ebuchant dans les meubles, ensanglantant ses mains au contact de pointes qu’elle rencontrait, de vitres bris'ees, mais, insensible, indiff'erente, elle allait quand m^eme, comme si elle voulait enfoncer les murs, rompre les cloisons. Le sang coulait sur tout son corps, elle 'etait `a demi d'ev^etue, ses v^etements se d'echiraient, tombaient par lambeaux, et sa lourde, son opulente chevelure compl`etement d'efaite, flottait sur sa nuque et ses 'epaules. Assur'ement, elle 'etait belle `a voir, dans la tragique horreur de son 'epouvante.
Fant^omas, `a deux ou trois reprises, avait pouss'e des jurons d’impatience. En vain, avait-il cherch'e `a recharger son revolver, il n’avait pas trouv'e une seule balle, il avait d'ej`a tellement tir'e qu’il ne lui restait plus de munitions :
— Quelle malchance, jura-t-il, est-ce qu’elle va m’'echapper ?
Le monstre grinca des dents :
— Il faut pourtant que je la tue, cette mort est indispensable au plan que j’ai 'echafaud'e, `a toute la combinaison que je pr'epare. Blanche 'epargn'ee, vivante, ce serait la ruine de mes esp'erances et de mes projets.
Cependant, de l’ext'erieur, parvenaient des bruits qui faisaient tressaillir Fant^omas.
Blanche Perrier les avait entendus aussi. Elle n’'etait pas de ces femmes qui se r'esignent ais'ement et que le d'esespoir ou la terreur paralyse. Elle sentait sa vigueur d'ecupler. Les bruits lointains d’abord, mais qui se rapprochaient, lui donn`erent de l’espoir.
— Au secours, au secours ! hurla-t-elle.
Puis, elle s’arr^eta une seconde, pour 'ecouter, cependant que Fant^omas grommelait :
— Mal'ediction !
Tous deux, en effet, avaient entendu que de l’ext'erieur, des voix avaient r'epondu `a l’appel :
— Courage, avait cri'e quelqu’un, courage, on arrive !
Fant^omas tr'epignait de col`ere, et se rendait compte que c’'etait d'esormais une lutte de vitesse, pour lui, avec les sauveteurs 'eventuels de Blanche, lutte dans laquelle il fallait triompher.
— Blanche ordonna-t-il, laisse-toi prendre. Ob'eis-moi, ta mort est certaine, mieux vaut pour toi qu’elle soit douce et rapide. Si tu r'esistes elle sera d’autant plus douloureuse.
Blanche se mit `a rire. Se laisser prendre ? Ah, plut^ot tout faire, m^eme l’impossible. D'esormais, elle se sentait un courage inou"i pour r'esister. N’avait-elle pas entendu dire : on vient ? N’'etait-elle pas s^ure que, dans quelques minutes, les hommes dont elle entendait le bruit des pas allaient venir l’arracher au monstre qui la menacait ?
Mais Fant^omas ne se r'esignait pas `a laisser 'echapper ainsi sa victime, dont la mort rev^etait une si grande importance `a ses yeux. Le bandit avait jet'e son arme, d'esormais inutile. Il poursuivait la malheureuse, courant apr`es elle dans la pi`ece mal 'eclair'ee, encombr'ee d’un extraordinaire d'esordre : bassines de zinc, 'etag`eres en bois. De tous c^ot'es, des ficelles 'etaient tendues comme pour supporter du linge. Il y avait de longues tables en 'equilibre sur des tr'eteaux. Toutes choses qui constituaient des obstacles et rendaient la poursuite de Fant^omas plus difficile, la protection de Blanche Perrier plus certaine.
Mais soudain, au moment o`u Blanche 'echappait encore une fois `a son terrible poursuivant, elle se sentit arr^et'ee net, renvers'ee en arri`ere et elle ne comprenait pas pourquoi.
La chose cependant 'etait simple : sa longue chevelure venait de se prendre dans un instrument bizarre, mais dont la pr'esence dans cette ancienne buanderie s’expliquait. Ses lourdes nattes s’'etaient engag'ees entre les deux cylindres en bois d’une machine `a calendrer le linge, et d`es lors, il semblait `a le jeune femme que tout mouvement lui f^ut interdit. Fant^omas, en une seconde, s’apercevait de la situation, et poussait un cri de triomphe, car il se rendait compte de tout le parti qu’il pouvait en tirer.