La mort de Juve (Смерть Жюва)
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Le manchot, d'efaillant, sortit en courant. Un m'edecin parut, se pencha sur le courtier maritime pour se relever aussit^ot en d'eclarant :
— Trop tard, cet homme est mort.
Des gens se bousculaient autour de l’infirme qui, tomb'e dans un fauteuil semblait pr^et `a s’'evanouir…
Dans le couloir on interrogeait le manchot qui r'epondait sans suite :
— Je ne sais pas. Un homme cach'e dans la pi`ece. Il avait un poignard `a la main. Ah, c’est horrible. Le malheureux 'etait devant moi. En plein coeur. Il a saut'e par la fen^etre. Il faut courir. Il faut pr'evenir la police. Mon Dieu, mon Dieu, quel malheur !
***
— Vous ne voulez pas me croire ? Vous ^etes persuad'e qu’Herv'e Martel, c’est mon p`ere ? Venez voir mon patron, vous pourrez vous convaincre que vous ^etes dans l’erreur. Suivez-moi.
Lentement, H'el`ene et Fandor regagn`erent le Palace-H^otel. Mais quand ils atteignirent celui-ci, un v'eritable tohu-bohu s’y manifestait.
— Seigneur, dit Fandor, qu’est-ce qu’ils font donc dans ce caravans'erail-l`a ?
L’'emotion des passants qui les croisaient, ayant l’air de se pr'ecipiter vers le centre de la ville, 'etait si visible que le journaliste ajouta :
— Il y aurait le feu `a la maison que ces gens-l`a n’auraient pas d’autres figures.
Fandor et H'el`ene n’avaient pas fait trois pas dans le vestibule qu’ils furent au courant :
— C’'etait un courtier maritime, avait expliqu'e quelqu’un, sur les registres de l’h^otel, il 'etait inscrit sous le nom d’Herv'e Martel.
Fandor, en entendant ces mots, arr^eta H'el`ene :
— Ne venez pas.
La jeune fille fit non de la t^ete :
— Je vous en supplie, retournez dans les jardins, vite, vite, d'ep^echez-vous, c’est providentiel que nous arrivions `a ce moment et il n’y a vraiment aucune utilit'e `a ce que vous voyiez ce que je vais voir. Allez m’attendre sur la jet'ee, allez o`u vous voudrez, n’entrez pas, je ne sais pas ce qui s’est pass'e, mais je le devine. Ce n’est pas un spectacle pour vous.
Fandor, rest'e seul, se pr'ecipita dans la salle `a manger d’o`u venaient les 'eclats de voix.
Fandor, `a cet instant, ne doutait pas qu’Herv'e Martel f^ut r'eellement Fant^omas. `A coup s^ur, c’'etait Fant^omas qui venait de se livrer `a l’un des terribles exploits et si l’on avait annonc'e sa mort, c’est que peut-^etre il avait trouv'e son ma^itre.
D’autorit'e, le journaliste bouscula un groupe de personnes qui stationnaient `a la porte de la salle `a manger mais qui s’'ecart`erent, le voyant si assur'e.
— La victime ? demanda-t-il. O`u est la victime ?
On devait le prendre pour quelqu’un de la police, car on le conduisit dans le petit fumoir o`u le corps 'etait encore 'etendu.
— Voici ce malheureux Martel.
Fandor ne r'epondit rien. Herv'e Martel, si ce mort 'etait bien Herv'e Martel, n’'etait pas Fant^omas. Le ma^itre d’h^otel qui le guidait ajoutait :
— Si maintenant monsieur veut interroger le t'emoin, le principal t'emoin, le manchot, il attend dans la salle `a manger.
— Je vous suis.
La salle `a manger 'etait vide.
— Qui 'etait-ce, ce monsieur ?
On le lui dit.
***
— Bizarre, pensait le jeune homme, cette mort d’Herv'e Martel, la mort de ce monsieur chez qui il s’est pass'e d'ej`a tant d’affaires extraordinaires et qui semble avoir 'et'e vis'e par les myst'erieux bandits. Bizarre en v'erit'e cette mort `a la suite d’un coup de poignard donn'e avec une extr^eme vigueur… par qui ? Par un manchot, absent d’ailleurs ? Non. Pas possible.
Fandor qui avait tir'e son calepin et h^ativement trac'e le plan sommaire du fumoir o`u le courtier avait trouv'e la mort, incarnait de mieux en mieux son personnage de la police. Il quitta la salle `a manger, regagna le fumoir.
— 'Evidemment, avait repris le jeune homme, contemplant la fen^etre donnant sur les jardins, 'evidemment, il est tr`es facile `a quiconque le d'esire de p'en'etrer dans cette pi`ece, mais, tiens, tiens…
Fandor avait brusquement interrompu ses r'eflexions. La fen^etre qu’il consid'erait 'etait en effet `a si peu de hauteur du sol, un m`etre peut-^etre, qu’il 'etait facile de l’escalader. Elle donnait sur une tr`es large corbeille de terreau, ratiss'ee avec un soin extr^eme.
— Si quelqu’un est mont'e par cette fen^etre, se disait Fandor, si quelqu’un en est descendu, 'etant donn'ee la largeur de la corbeille, on doit retrouver son empreinte.
Et Fandor tirait de sa poche l’ins'eparable petite lampe 'electrique qui au cours de sa vie aventureuse lui avait d'ej`a rendu tant de services.
Rien.
— C’est d'econcertant, murmura le journaliste, ou c’est tout ce qu’il y a de plus simple.
Apr`es avoir donn'e un nouveau regard au corps du malheureux courtier que nul n’osait relever sans ordre, Fandor revint dans la salle `a manger et avisa la caissi`ere :
— Deux mots, madame ? Vous avez vu, si mes renseignements sont exacts, la malheureuse victime entrer dans le fumoir en compagnie du manchot ?
— Oui, monsieur.
— Combien de temps s’est-il pass'e `a peu pr`es avant que vous ayez entendu la chute du corps de la victime ?
— `A peine une seconde, monsieur. Le temps de traverser la salle `a manger, et encore pas compl`etement.
— Madame, encore un renseignement ? Le monsieur infirme qui accompagnait la victime lorsqu’elle est entr'ee dans la pi`ece tragique, ce monsieur infirme, ^etes-vous certaine qu’il 'etait bien infirme, toujours infirme, encore infirme lorsqu’il a quitt'e la pi`ece ?
— Mais oui, monsieur, mais oui, bien entendu. Que voulez-vous dire ?
Fandor grommelait quelque chose, puis enfin se d'ecidait `a r'epondre :
— Je veux dire, madame, qu’on ne rel`eve pas de traces sous la fen^etre. Donc, il est certain que personne n’est entr'e dans le petit fumoir et que personne n’en est sorti par l`a. D’autre part, 'etant donn'e qu’Herv'e Martel a 'et'e tu'e d’un coup de poignard, il est bien 'evident que l’on ne peut pas attribuer le meurtre au manchot qui l’accompagnait. Un manchot ne donne pas de coups de poignard. Enfin, 'etant donn'e qu’il a fallu deux secondes `a peine pour que le crime ait lieu, pour que l’on vienne au secours de la victime, il est bien difficile d’admettre que le manchot ait 'et'e un faux manchot. Il n’aurait pas eu le temps mat'eriel de dissimuler ses bras, son crime une fois commis. Et pourtant, cr'edibis`eque, comme Herv'e Martel ne s’est pas tu'e tout seul, comme il n’avait personne avec lui que le manchot, la logique conduit bien `a consid'erer que c’est le manchot qui est l’assassin.