La mort de Juve (Смерть Жюва)
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La caissi`ere produisit des bruits indistincts.
— Comment 'etait-il ce manchot ? grand ? petit ? brun ? blond ?
— C’'etait un bel homme, r'epondit la caissi`ere. Quant `a ses cheveux, il m’est impossible de vous dire leur couleur car il gardait son chapeau haut-de-forme sur la t^ete.
— Mais o`u peut-il bien avoir pass'e, ce monsieur, je voudrais bien le voir.
Une demi-heure plus tard, Fandor quittait l’h^otel sans avoir vu l’extraordinaire manchot. L’infirme avait disparu, il n’'etait nulle part, personne ne l’avait vu sortir dans le brouhaha des premi`eres minutes d’affolement.
— J’en donnerais ma t^ete `a couper, disait Fandor, c’'etait Fant^omas. Bon travail. Comment diable s’y est-il donc pris ?
13 – IRMA DE STEINKERQUE
`A premi`ere heure, Nalorgne avait 'et'e convoqu'e `a la S^uret'e g'en'erale par M. Havard.
Enfin, le directeur de la S^uret'e leva les yeux :
— Monsieur, dit-il, nous avons une mission `a vous confier. Pour vos d'ebuts dans la police active vous allez ^etre charg'e d’une op'eration assez d'elicate qui n'ecessite du flair et de l’intelligence. Toutefois si vous r'eussissez je vous en saurai gr'e et, suivant la facon dont vous proc'ederez, vous obtiendrez dans le personnel des inspecteurs une situation tout `a fait avantageuse.
— Je vous suis reconnaissant, monsieur le directeur, de la confiance que vous m’accordez, j’esp`ere m’en rendre digne, r'epondit Nalorgne.
— Depuis quelque temps, expliquait d'ej`a M. Havard, nous avons recu pas mal de plaintes 'emanant de maisons de commerce de la place de Paris. Un individu, un voleur, se pr'esente aux caisses de ces maisons, le jour d’'ech'eance, porteur de quittances fort bien imit'ees. Pour ne d'eterminer aucun soupcon il a l’audace de rev^etir l’uniforme d’un garcon de recettes. Il s’est procur'e, on ne sait pas comment, le d'etail exact de certaines grosses sommes r'eguli`erement dues par ces maisons, il pr'esente une quittance ayant toutes les apparences de l’authenticit'e, on effectue entre ses mains le versement de la somme, puis, quelque temps apr`es, arrive le v'eritable encaisseur et l’on s’apercoit que l’on a 'et'e victime d’une escroquerie.
Le coeur de Nalorgne s’emplit d’une joie secr`ete, celle du policier qui conna^it l’affaire. M. Havard poursuivit :
— J’avais charg'e l’inspecteur L'eon de m’arr^eter ce voleur, mais vous n’ignorez pas, monsieur Nalorgne, l’'epouvantable accident dont il vient d’^etre victime. Notre infortun'e collaborateur en a pour plusieurs mois avant de se remettre et il restera infirme toute sa vie. J’ai donc d'ecid'e de vous confier la suite des affaires qu’il avait entreprises. Mon secr'etaire, tout `a l’heure, vous remettra un dossier concernant ces vols et voici un mandat d’amener que je vous d'elivre avec le nom en blanc. Nous ne sommes pas, en effet, tr`es fix'es sur la personnalit'e du coupable. Toutefois, je vous signale, `a titre d’indication, que les soupcons de L'eon s’'etaient port'es sur un individu assez connu en ce moment dans le monde de la galanterie pour y d'epenser pas mal d’argent et que l’on croit avoir 'et'e domestique autrefois dans des maisons bourgeoises. Ce serait peut-^etre un certain cocher du nom de Prosper dont la derni`ere place aurait 'et'e celle qu’il occupait chez un courtier maritime, pr'ecis'ement chez M. Herv'e Martel, vous ^etes au courant, n’est-ce pas ? Vous saisissez, n’est-ce pas, le rapprochement ? Vous vous rendez compte de la d'elicatesse qu’il faut employer dans cette affaire ? Si vous n’^etes pas absolument 'edifi'e sur la culpabilit'e de l’individu, sans le perdre de vue, 'evitez de l’arr^eter tout de suite, pour ne pas l’effaroucher. Pour ma part, je ne vous cache pas que j’ai la conviction intime que cet individu, ce Prosper est non seulement l’auteur des vols dont se sont plaintes certaines maisons de commerce, mais que c’est encore lui qui a organis'e l’extraordinaire guet-apens dont ont 'et'e victimes d’abord M. Herv'e Martel, ensuite votre infortun'e coll`egue, L'eon. Ceci prouverait donc que nous avons `a faire `a forte partie.
Il faut bien vous convaincre de la culpabilit'e, si elle existe, du nomm'e Prosper, et ensuite 'etablir s’il est l’auteur des vols et des crimes que nous recherchons.
Nalorgne baissa la t^ete. Il 'etait si absorb'e dans ses r'eflexions que M. Havard s’en apercut :
— Eh bien, fit celui-ci, `a quoi pensez-vous ?
Nalorgne se ressaisit :
— Je r'efl'echis, monsieur le directeur.
— Eh bien, allez r'efl'echir ailleurs, car j’ai du travail.
— Bien, monsieur le directeur.
***
— Sale affaire, grommelait, en quittant la S^uret'e, l’inspecteur Nalorgne qui sauta dans un fiacre pour se faire conduire `a son bureau de la rue Saint-Marc.
Il avait encore quelques affaires `a r'egler avant de quitter d'efinitivement, ainsi que P'erouzin, le local qu’ils avaient lou'e et dans lequel ils s’'etaient livr'es `a diverses op'erations plus invraisemblables les unes que les autres, jusqu’au jour o`u les deux associ'es avaient enfin obtenu ce qu’ils appelaient une
— Sale affaire, grognait encore Nalorgne en montant l’escalier.
Lorsqu’il p'en'etra dans son cabinet, P'erouzin 'etait au t'el'ephone.
— Quelle gaffe est-il encore en train de commettre ? se demanda Nalorgne.
P'erouzin raccrocha le r'ecepteur, puis, se tournant vers son associ'e :
— Eh bien, d'eclara-t-il, en voil`a une affaire, nous n’avons v'eritablement pas de chance lorsque nous entreprenons quelque chose et que nous ne sommes pas guid'es par Fant^omas.
— De quoi s’agit-il ?
— Voil`a, je viens de t'el'ephoner `a Cherbourg, `a M lle H'el`ene, pour insister aupr`es d’elle afin de conclure rapidement cette fameuse affaire de mariage. Vous comprenez bien, Nalorgne, que si nous pouvons traiter cela avant de quitter notre bureau il y aura une belle commission `a toucher et je ne sais pas si vous ^etes riche en ce moment, mais moi, j’ai joliment besoin d’argent.
— C’est absurde de continuer `a s’occuper de cette affaire-l`a, elle ne r'eussira pas.
— Tiens, vous savez donc ?
— Je n’en sais rien, mais j’en suis s^ur.
— H'elas, vous avez raison. Tout d’abord la jeune fille ne voulait pas venir `a l’appareil, j’ai tellement insist'e qu’elle a fini par s’y d'ecider. Eh bien, comme vous le supposiez elle m’a envoy'e promener, m’a d'eclar'e que le moment n’'etait pas venu, mais l`a, pas du tout, de s’occuper de cette chose.
— Qu’est-ce que je vous disais ?
— Seulement, reprit P'erouzin, elle m’a appris du nouveau. Figurez-vous qu’Herv'e Martel a 'et'e assassin'e hier soir.
— Assassin'e, par qui ?
— On n’en sait rien.
— Mon Dieu, songea l’ancien pr^etre, pourvu que nous ne soyons pas encore charg'es de cette affaire.
Cependant Nalorgne avait tir'e de sa poche le mandat d’amener que lui avait remis M. Havard :
— Savez-vous, demanda-t-il, quel nom je dois mettre l`a ?
— Non, le mien ?
— Celui de Prosper.
— Sous quelle inculpation ?
— Les vols des maisons de commerce, et peut-^etre l’affaire de l’avenue Niel.