La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Le panneau d’avant fonctionne-t-il encore ?
— Oui, commandant.
— Qu’un homme de bonne volont'e, alors, essaie de monter sur le pont et de faire des signaux. On nous verra peut-^etre des pontons de renflouement.
Un homme de bonne volont'e ?
Les dix marins s’avanc`erent.
— L’honneur au plus jeune, commanda en souriant le lieutenant de Kervalac. Le Goffic, allez prendre le poste de vigie.
— Bien, commandant.
Dans l’angoisse du naufrage, dans le souci des ordres `a donner pour sauver le b^atiment, pour sauver les hommes, le jeune officier avait oubli'e sa passag`ere. Le pr'esence de cette femme lui revint soudain `a l’esprit. Qu’'etait-elle devenue ? qui donc avait tir'e ce coup de revolver qui avait pr'ec'ed'e d’une seconde la d'ecouverte de la torpille ?
— Visitez la coque, commanda le lieutenant, voyez les cloisons arri`ere, Premier ma^itre, assurez-vous de la personne qui nous accompagnait.
Tandis que les hommes enlevaient le plancher `a claire-voie formant le fond du sous-marin pour s’assurer que nulle voie d’eau ne s’'etait form'ee, le premier ma^itre se rendait au compartiment arri`ere du submersible.
Et c’est avec une angoisse nouvelle que le lieutenant de Kervalac l’entendit jurer.
— Quoi ? qu’est-ce encore ?
— Notre passag`ere. Elle s’est tu'ee. Elle s’est fichu un coup de revolver dans la poitrine.
Le matelot ne se trompait point. Au moment m^eme o`u la malheureuse H'el`ene avait apercu les caisses immerg'ees qui lui apprenaient le nouveau crime de son p`ere, elle n’avait pu supporter son d'esespoir, la honte.
La jeune fille, en une seconde, avait eu l’impression que ses plus chers espoirs 'etaient ruin'es une fois encore, que d’insurmontables obstacles allaient encore la s'eparer de Fandor, que si elle revenait vivante `a Cherbourg, il lui faudrait trahir son p`ere ou son fianc'e.
H'el`ene n’avait pas h'esit'e : elle avait tir'e un revolver de sa poche, revolver qui ne la quittait jamais, son seul espoir d’une paix derni`ere. Elle avait fait feu. Et, au moment m^eme o`u le matelot annoncait :
Le lieutenant de Kervalac, cependant, en entendant annoncer que la passag`ere s’'etait tu'ee, avait sursaut'e.
— C’est affreux. Est-elle morte ?
— Elle respire encore, mon commandant, mais c’est tout juste.
— Portez-la dans la chambre des machines. Faites au mieux.
Or, de violents coups 'ebranlaient la carcasse sonore. La vigie signalait quelque chose :
— Sauv'es, nous sommes sauv'es, cria soudain le jeune commandant, on nous a vus.
Le lieutenant de Kervalac, en effet, par les vitres du blockhaus, apercevait une barque arrivant, `a force de voiles, droit sur L’OEuf.
C’'etait assur'ement un des canots accroch'es aux pontons de renflouement, un homme le manoeuvrait, il avait d^u ^etre t'emoin de l’accident de la torpille – si c’'etait un accident —, il avait vu remonter le sous-marin, s’'etait dout'e qu’il 'etait d'esempar'e et maintenant il venait `a son secours.
Le lieutenant de Kervalac, le premier mouvement de joie pass'e, retrouvait tout son sang-froid. C’'etait d’une belle voix de commandement qu’il ordonnait :
— Allons, les enfants, tout le monde `a son poste et du calme. M'ecaniciens, prenez d’abord la bless'ee. Passez-la `a Le Goffic, il faut qu’elle embarque la premi`ere. Quartier-ma^itre, pr'eparez un filin, on va nous donner la remorque, nous irons faire l’accoste le long des pontons.
***
— Hisse !
— Laisse aller !
Une corde jet'ee du sous-marin fut habilement saisie par l’homme qui manoeuvrait la petite barque. En un tour de main, celui qui venait sauver l’'equipage de L’OEufavait enroul'e le cordage au pied du m^at de sa barque. L’OEufet le bachot furent bient^ot bord `a bord.
— Un accident ? demanda le matelot.
— Un accident, r'epondit Le Goffic.
Et mis au courant par les camarades qui lui parlaient par le panneau, Le Goffic ajouta :
— Attends, mon gars, tu vas nous donner la remorque tout `a l’heure, mais pour plus de s^uret'e, on va d’abord te passer quelqu’un. Fais attention, c’est une dame et elle est bless'ee.
C’'etait une manoeuvre extraordinaire, folle d’imprudence, merveilleuse de t'em'erit'e que Le Goffic r'eussit avec l’aide de ses camarades. H'el`ene, sans vie, sans mouvement, d'elirante, fut hiss'ee par le panneau. Les marins bretons, s’agrippant `a la coque de L’OEuf, trouv`erent prise sur le bronze lisse et luisant, r'eussirent enfin, en d'epit des lames moutonneuses, en d'epit de la houle grandissante, `a passer la bless'ee `a bord de la barque.
— File du c^able, dit le sauveteur, ou bon Dieu, on s’en va chavirer.
La houle grandissait en effet. De minute en minute, les lames se creusaient davantage et elles commencaient `a se coiffer de blanc, `a mettre ce bonnet d’'ecume qui pr'esage la formation des temp^etes, des vagues d'eferlantes et mauvaises.
Le Goffic, dans le vent, transmettait les ordres qu’il recevait de l’int'erieur du sous-marin :
— Je te file dix brasses de corde. Arrime-nous `a ton arri`ere et souque ferme, t^ache de nous faire ranger pr`es des pontons.
La r'eponse du matelot sauveteur se perdait dans le vent, mais il avait d^u comprendre, il orienta sa voile, le sous-marin avanca.
Or, tandis que sur les appels pressants du commandant de Kervalac, Le Goffic, tremp'e, 'epuis'e, redescendait `a l’int'erieur du bateau, il se passait une sc`ene 'etrange :
Le matelot, l’inconnu, l’homme qui 'etait venu au secours de L’OEuf, apr`es avoir commenc'e `a remorquer le sous-marin, cessait brusquement de manoeuvrer. Il se pencha sur le visage de celle qu’il avait prise `a son bord, et il s’'ecria :