La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Dieu vous entende, Nalorgne.
***
— Tiens, qui vient l`a ? En face de moi, dans cette glace ? Quel est donc ce monsieur si brun, avec cette grosse moustache ?
Le promeneur qui monologuait de la sorte 'eclata soudain de rire :
— Parbleu, c’est moi. Il faut pourtant que je m’y fasse. C’est 'egal, je suis joliment bien grim'e puisque je ne parviens m^eme pas `a me reconna^itre lorsque je me rencontre ou lorsqu’un miroir me renvoie mon image.
Le personnage qui monologuait ainsi devant une devanture de magasin, dans la rue principale de Cherbourg n’'etait autre que J'er^ome Fandor. Le journaliste 'etait m'econnaissable en effet. Fandor avait teint sa chevelure blonde en noir d’'eb`ene. Il avait peint les sourcils, peint le visage, grossi sa moustache en y ajoutant de grosses touffes de poils, si bien que le jeune homme paraissait `a pr'esent ^ag'e d’au moins quarante-cinq ans, soit quinze ans de plus que son ^age.
— Parfait, parfait, se r'ep'etait Fandor, puisque moi-m^eme je m’y trompe, les autres ne seront pas plus malins que moi. Gr^ace `a ce savant camouflage je m’en vais pouvoir poursuivre mes enqu^etes au milieu de ceux qui me recherchent, et cela en toute s'ecurit'e.
— Pardon, monsieur, le cent cinquante de la rue de la Marine, s’il vous pla^it, c’est o`u ?
Or, qui interrogeait ainsi l’ami de Juve camoufl'e en quidam ? qui, sinon les in'enarrables Nalorgne et P'erouzin.
— Bon, se dit le journaliste, en voil`a une rencontre. Qu’est-ce qui peut bien amener mes deux gaillards rue de la Marine ? et au num'ero cent cinquante, mon domicile, encore ?
D'ej`a, P'erouzin, le sp'ecialiste des gaffes, s’'etait charg'e de r'epondre :
— Nous recherchons un malfaiteur car nous sommes agents de la S^uret'e de Paris.
— Et ce malfaiteur s’appelle ?
Nalorgne voulut emp^echer P'erouzin de r'epondre. En vain.
— Il s’appelle J'er^ome Fandor.
— Comme ca se trouve, dit Fandor, avec le foudroyant esprit d’`a propos dont il avait d'ej`a donn'e tant de preuves. Moi-m^eme je suis d'etective attach'e `a la S^uret'e de Cherbourg.
— Un coll`egue, fit P'erouzin.
— Vous l’avez dit, fit Fandor, lui rendant son shake hand, messieurs, je suis d'ecid'ement charm'e de faire votre connaissance.
— Monsieur et cher confr`ere, demanda Nalorgne, est-ce que par hasard, vous vous occuperiez de la m^eme affaire que nous ?
— Si je m’en occupe, mais je ne fais que ca. J’ai m^eme des renseignements tr`es pr'ecieux `a vous communiquer. Nous n’avons rien `a craindre. Le personnage que vous recherchez ne quittera pas Cherbourg de si t^ot. Et si vous voulez m’en croire, nous allons entrer dans ce petit caf'e, et sceller, en cassant le cou `a une bonne bouteille, l’entente cordiale de la S^uret'e parisienne et de la police de Cherbourg.
Apr`es avoir protest'e pour la forme, Nalorgne et P'erouzin accept`erent. Une fois attabl'e avec les deux associ'es, Fandor demanda :
— Avez-vous d'ej`a pris contact avec les autorit'es de la ville ?
— Pas encore. Nous pensions aller voir le commissaire de police d’ici un instant.
— Inutile. Sa femme est en train d’accoucher, justement. On ne l’a pas vu au bureau depuis quarante-huit heures, et apr`es, faudra arroser ca. Mais puisque vous n’avez vu personne en ville, comment avez-vous donc appris l’adresse de J'er^ome Fandor ?
— Ah c`a, d'eclara P'erouzin, c’est parce que nous ne sommes pas des imb'eciles.
— Je ne l’ai jamais cru, assura Fandor, mais encore ?
— Eh bien, d'eclara Nalorgne, c’est `a la Poste qu’on nous a renseign'es. Nous avons fait conna^itre notre qualit'e au receveur et, sans lui dire le motif pour lequel nous d'esirions rencontrer M. Fandor, nous nous sommes fait indiquer son domicile. Il y viendra d’ailleurs bient^ot et c’est l`a que nous le pincerons.
— Ah bah, comment savez-vous cela ?
— Simple d'eduction. On a pr'esent'e une lettre recommand'ee chez M. Fandor. Il 'etait absent. La concierge a dit qu’il serait certainement l`a pour la seconde lev'ee. Le facteur a promis de revenir `a seize heures. Nous serons sur place.
— Vous nous ferez visiter Cherbourg une fois l’arrestation op'er'ee ? demanda Nalorgne, cependant que P'erouzin pr'ecisait :
— Vous qui ^etes de la police et sur place, vous devez conna^itre les endroits o`u l’on s’amuse, les caf'es o`u l’on trouve des petites dames ?
— Je crois bien, je ne connais que ca. Autre chose. Voulez-vous me permettre d’'emettre une opinion ?
— Parlez.
— Tout d’abord, est-ce que vous poss'edez le signalement de J'er^ome Fandor ?
— Bien s^ur, r'epondit Nalorgne, c’est un garcon ni grand ni petit, tenez, `a peu pr`es votre taille. Mais les cheveux aussi blonds et le teint aussi clair que votre peau est basan'ee et vos cheveux noirs.
— Bien, Vous seriez donc capables de le reconna^itre dans une foule ?
— Mais naturellement.
— Dans ces conditions, je vais vous dire ce qu’il faut faire. Parfaitement inutile que vous alliez rue de la Marine, au domicile de ce journaliste. Il se sait traqu'e, ca je vous jure qu’il le sait, ne repara^itra pas chez lui. Il va faire tout son possible pour quitter Cherbourg, voyons. Or, il y a trois moyens de s’en aller de Cherbourg.
— Lesquels ?
— Primo, s’embarquer `a bord d’un des navires qui font escale `a Cherbourg. (Fandor n’emploiera pas ce proc'ed'e de fuite car il sait par exp'erience que l’on est toujours pinc'e, lorsqu’on s’'evade de cette facon). Rappelez-vous seulement que Fant^omas lui-m^eme, Fant^omas fut pris `a bord d’un transatlantique entre Liverpool et le Canada.