La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Je ne veux pas ^etre importune, dit-elle, je passe dans le salon voisin.
Juve l’approuva. Quelques instants apr`es, il recevait Nalorgne et P'erouzin. Les deux associ'es arrivaient avec l’air grave, important. On e^ut dit les t'emoins d’un duel ou des croque-morts.
— Monsieur Ronier, d'eclara Nalorgne, nous venons vous faire nos adieux. D’importantes affaires nous contraignent `a partir en voyage et il se passera quelque temps avant que nous n’ayons le plaisir de vous revoir.
— L’ennui sera pour moi, fit Juve poliment.
— Nous venons, mon associ'e et moi, d’^etre l’objet, de la part du gouvernement, d’une haute distinction.
— Vous a-t-on nomm'es chevaliers de la L'egion d’honneur ? demanda Juve, ou ambassadeurs en Chine ?
— Pas encore, d'eclara P'erouzin, mais nous sommes nomm'es inspecteurs auxiliaires du service de la S^uret'e.
— Ah, ah, fit le policier, eh bien, toutes mes f'elicitations. Qu’est-ce que vous avez ? qu’'ecoutez-vous donc ?
—^Etes-vous seul, monsieur Ronier ? N’avez-vous recu personne depuis quelques jours dans votre villa ?
— De qui parlez-vous ? D’un homme ? d’une femme ?
— La visite d’un homme.
— Eh bien, non, `a part mon vieux domestique et vous, je n’ai recu aucun repr'esentant du sexe m^ale.
— C’est que nous sommes charg'es d’une arrestation.
— Oh, oh, fit Juve, et de qui donc s’agit-il ?
— Il s’agit, commenca P'erouzin…
Mais Nalorgne lui coupa brusquement la parole :
— Du cocher Prosper, Monsieur Ronier, d'eclara-t-il, du cocher qui jadis 'etait plac'e chez cet infortun'e M. Herv'e Martel, dont vous avez d^u apprendre la fin tragique.
— Je sais, en effet, qu’il a 'et'e assassin'e, je l’ai lu dans les journaux.
En r'ealit'e, c’'etait par un t'el'egramme de Fandor que le faux M. Ronier avait 'et'e mis au courant.
Les associ'es, cependant, paraissaient fort d'esireux d’'ecourter leur visite et brusquement, sans pr'eambule, ils prirent cong'e de Juve :
— `A bient^ot, monsieur Ronier, meilleure sant'e.
Ils 'etaient `a peine sortis qu’Irma Pi'e, dite de Steinkerque, r'eapparaissait. Elle 'etait boulevers'ee :
— Ah monsieur Ronier, je vous demande bien pardon, mais je me suis mal conduite.
— Une fois de plus.
— Oui, je me suis permis d’'ecouter `a la porte ce que vous disaient ces messieurs. Et j’ai appris que l’on cherchait toujours le cocher Prosper. H'elas, j’'etais d'ej`a au courant des poursuites exerc'ees contre lui, mais ma conscience va sans doute m’obliger `a parler bient^ot, `a tout dire `a la justice.
— Ah, fit Juve, subitement int'eress'e, que savez-vous donc ?
— Je sais, fit Irma, o`u il se cache. C’est une co"incidence extraordinaire, mais Prosper se trouve `a quelques kilom`etres du village de Saint-Martin, o`u habite ma famille. Pr'ecis'ement, comme je vous le disais, monsieur Ronier, je compte y partir demain pour aller voir mes parents. Que croyez-vous que je doive faire ? Faut-il aller raconter `a la S^uret'e ce que je sais ? Dois-je attendre, au contraire ?
— Attendez, ch`ere madame, ne r'ev'elez rien encore, toutefois, faites-moi un plaisir, au lieu de partir demain pour Saint-Martin, partez donc ce soir.
— Oh, ce sera bien volontiers, monsieur Ronier. Vous savez, n’est-ce pas, ce que je veux aller demander `a ma famille, ce sont les papiers qui me permettront peut-^etre un jour de devenir la femme l'egitime de quelqu’un qui… de quelqu’un que je…
— Jean, aidez donc Madame, ordonna le policier, `a rev^etir son manteau. Elle est tr`es press'ee. Il faut qu’elle s’en aille tout de suite.
Sit^ot la demi-mondaine 'eloign'ee, le domestique vint retrouver son ma^itre.
— Jean, il n’y a plus une minute `a perdre. Vous allez t'el'ephoner aux Ambulances Urbaines, il faut tout de suite une automobile pour me transporter.
— Vous voulez partir ?
— Non, je pars.
— Paralytique comme vous l’^etes ?
— Paralytique comme je le suis.
— Et o`u allez-vous ?
— `A trois cents kilom`etres d’ici, au fin fond de la Normandie.
***
Cependant, Nalorgne et P'erouzin s’'etaient disput'es en sortant de chez Juve :
— Quand il y a une gaffe `a faire, vous ^etes l`a !
— Je ne comprends rien, r'epondit P'erouzin, `a vos perp'etuels myst`eres. Nous avons obtenu de notre chef, M. Havard, de changer notre mission et il nous a charg'es, au lieu de courir apr`es le cocher Prosper, d’aller proc'eder `a l’arrestation de ce J'er^ome Fandor, l’auteur d'esign'e par la rumeur publique, du myst'erieux attentat ourdi contre le sous-marin, l’assassin pr'esum'e de la malheureuse H'el`ene. Nous sommes venus chez Juve qui s’obstine `a se faire appeler M. Ronier, afin de d'eterminer si Fandor n’'etait pas cach'e chez lui et voil`a tout.
— Vous alliez dire `a Juve, poursuivit Nalorgne, le but de notre visite ?
— Eh bien, o`u 'etait le mal ?
— Toujours votre indiscr'etion proverbiale, P'erouzin. Du moment que Fandor n’'etait pas chez Juve, nous n’avions pas besoin d’'ebruiter le but de notre mission.
— Mais, qu’allons-nous faire, maintenant ?
— Mais nous allons prendre le premier train pour Cherbourg. C’est l`a que doit ^etre l’assassin, c’est l`a que nous l’arr^eterons.