Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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De surprise, Fant^omas parut h'esiter.
— Chez les ratichons ? demanda-t-il, ce sont des cur'es qui gardent les bijoux de la marquise de Tergall ?
— Pas tout `a fait.
— Alors ?
— Alors, je vous l’ai dit, patron, faut cavaler des ribouis, faut que nous soyons `a Bouloire avant six heures du soir. Et ca serait dangereux de prendre le grand fr`ere ou m^eme une carriole. Cavalons des ribouis, que je vous dis : le train onze, voil`a ce que je vous offre.
***
La petite 'eglise de Bouloire, engageante avec ses murs blancs, cr'epis `a la chaux, son chemin de la croix aux tableaux na"ifs, peints aux couleurs claires, ses statues de pl^atre repr'esentant saint Antoine-de-Padoue, la Sainte Vierge, saint Joseph surcharg'e d’un Enfant J'esus ridiculement petit, se trouve `a l’extr'emit'e du village, un peu `a l’'ecart, entour'ee de tous c^ot'es par un cimeti`ere `a peu pr`es vide, semble-t-il.
Or, `a six heures du soir, 'eglise, cimeti`ere, village, 'etaient plong'es dans la nuit noire, d’autant que, par 'economie, les jours o`u il
C’'etait `a cette heure tranquille, que deux hommes, qui n’'etaient autres que Fant^omas et Ribonard, arriv`erent `a travers champs jusqu’au mur du cimeti`ere, le franchirent sans bruit, puis gagn`erent une petite porte acc'edant au choeur de l’'eglise.
— O`u me m`enes-tu ? Ribonard, demanda Fant^omas. O`u diable as-tu cach'e les diamants ?
— Quelque part, patron, o`u personne ne serait venu les chercher. C’est une id'ee `a moi, une id'ee r'eellement 'epatante. Ah, mince alors. Vous allez bougrement rigoler.
Ribonard poussa la porte conduisant au choeur, entra dans la nef, suivi de Fant^omas. Le pas des deux hommes r'esonnait 'etrangement dans la tranquillit'e de l’'eglise, maintenant d'eserte jusqu’au lendemain car l’ang'elus du soir venait d’^etre sonn'e.
— Ca n’est pas gai, remarqua Ribonard, `a voix basse.
Et pour se remonter le moral, pour lutter contre l’atmosph`ere de myst`ere qu’il devinait `a l’int'erieur de l’'eglise, l’apache esquissa un pas de polka. Fant^omas, lui, demeurait grave.
— Presse-toi, dit-il en poussant Ribonard par les 'epaules, je ne crois pas `a grand-chose, `a Dieu et au Diable, moins qu’`a rien, mais tout de m^eme je n’aime pas op'erer dans les 'eglises. O`u as-tu mis les diamants ?
Ribonard 'eclata de rire :
— Eh patron, vous v’l`a quasiment tout retourn'e. Allons, vous bilez pas. Les diamants, vous les aurez dans dix minutes. Avancez.
`A son tour, il poussa Fant^omas. Il le poussa jusqu’au centre de l’'eglise :
— Et maintenant levez la t^ete, zyeutez-moi l’int'erieur du clocher. Qu’est-ce que vous voyez l`a-haut ?
Fant^omas, suivant les instructions de l’apache, leva la t^ete, vit l’'etroite tour de pierre s’'elevant du sommet de la vo^ute, un peu en avant de l’autel, et qui, ainsi qu’il arrive souvent dans les modestes 'eglises de campagne, d'ebouchait `a m^eme l’'eglise, laissait entrevoir derri`ere un enchev^etrement de poutres et de planchers volants, la forme rebondie d’une 'enorme cloche.
— Qu’est-ce que vous voyez ? questionnait Ribonard.
Fant^omas haussa les 'epaules :
— Presse-toi faisait-il, je te dis que j’ai h^ate d’^etre sorti d’ici. Inutile d’essayer de me faire du boniment. Ce que je vois est fort simple. C’est le clocher, la cloche. Les planchers servent je suppose au sonneur et…
— Et rien de plus ? interrogeait, narquois, Ribonard… Eh bien patron, si vous voulez les bijoux, faut pourtant que nous allions nous balader dans ce panorama. Allons venez. Montons. Les bijoux, c’est comme les 'etoiles, quand on les veut, faut aller les d'ecrocher. Passez par ici, conseillait-il.
L’apache conduisit Fant^omas vers une petite porte de bois donnant dans la nef, qu’un simple loquet fermait, qui terminait un escalier 'etroit, tortueux, enroul'e sur lui-m^eme.
— Montez, commanda Ribonard.
— O`u me m`enes-tu ?
— Dans le clocher. Montez donc, patron.
Mais, sans doute, Fant^omas 'etait impressionn'e par l’id'ee qu’il se trouvait dans une 'eglise.
— Passe devant, ordonna-t-il, tu connais le chemin, j’aime autant marcher derri`ere toi.
— `A votre go^ut.
Ribonard s’engagea donc dans le petit escalier en colimacon, le gravit en h^ate. L’escalier `a son sommet d'ebouchait sur une sorte de plancher, divisant dans sa hauteur le clocher de l’'eglise. Parvenu sur les poutres branlantes, Ribonard, plein d’attentions, avertit Fant^omas :
— Eh l`a, prenez garde. Nom de Dieu, vous m’avez fait peur, patron. Faut pas vous agiter comme ca. Ces poutres-l`a c’est solide, mais c’est mal fix'e et sans que vous vous en doutiez, nous sommes bien `a sept ou huit m`etres du sol maintenant. Tiens, si vous aviez d'egringol'e, vous auriez fait un joli saut.
Fant^omas, de plus en plus 'enerv'e, n’'ecoutait plus le bavard :
— Presse-toi Ribonard, r'ep'eta-t-il. Presse-toi donc. O`u sont les bijoux ?
Ribonard, lui, 'etait de plus en plus calme.
Il trouvait farce infiniment, rigolo en diable, de se promener ainsi dans le clocher d’une 'eglise, en compagnie de qui ? en compagnie de Fant^omas.
— Eh l`a, r'epondit-il, on a le temps. Ce n’est pas encore que la sociale va foutre par terre toutes les niches `a bon Dieu. On n’est pas aux pi`eces.