Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Et cette derni`ere raillerie lanc'ee, pos'ement, sans se presser, sans s’occuper des vocif'erations que poussait maintenant un Ribonard fou de rage, Fant^omas descendit du clocher, traversa l’'eglise, franchit le cimeti`ere, se perdit dans la nuit.
Dans la soir'ee, M. Charles Pradier, regagnait Saint-Calais un gros paquet sous le bras « un bibelot pr'ecieux » disait le juge d’instruction, qu’il avait pu acheter `a tr`es bon compte.
Deux heures plus tard, pourtant, comme le bandit, seul dans sa chambre, se hasardait `a ouvrir le coffret pour examiner les bijoux si subtilement repris `a Ribonard, Fant^omas bl^emit, pris de fureur.
Le coffret 'etait vide.
— Ribonard m’a jou'e. J’aurais d^u me douter qu’il se moquait de moi. Parbleu, tandis qu’il 'etait sous la cloche, il a mis les bijoux dans ses poches. C’est un coffret vide qu’il m’a lanc'e. Parbleu, il s’est dout'e que j’avais l’intention d’'eviter un partage. Et maintenant il est trop tard pour r'eparer mon erreur, hurla le terrible bandit.
Puis, soudain, Fant^omas 'eclata de rire :
— Peuh, dit-il, est-il r'eellement trop tard ? Il ne faut pas que j’oublie que je suis juge d’instruction et qu’un juge d’instruction a le bras long.
23 – DES DIAMANTS ET DES RUBIS
— Revenez donc, bon Dieu, Fant^omas ! Eh patron, ne foutez pas le camp. Pas de blague. Passez-moi l’'echelle. Fant^omas, Fant^omas. Mais nom de Dieu de nom de Dieu, 'ecoutez-moi, `a la fin. Et remontez. Sapristi, bon Dieu de salaud, bougre de cochon. Fant^omas ! Fant^omas, mais ouvrez donc le coffret, sapristi. C’est de la monnaie de singe, que vous emportez. Venez. Revenez. Je vous donnerai les diamants. Ah la crapule. Ah le salaud. Sacr'e nom d’un chien.
La voix de Ribonard sombra brusquement. L’apache articula d’une voix que la peur faisait trembler :
— Ah nom de Dieu, il est parti.
Fant^omas, en effet, `a l’instant m^eme, venait de d'eboucher du petit escalier dans la nef, Ribonard avait entendu son pas r'esonner sous les vo^utes de l’'eglise. Une porte avait claqu'e. C’'etait d'efinitif, irr'em'ediable. Fant^omas venait de partir.
Ribonard, `a cet instant, se vit perdu.
Il ne courait `a vrai dire aucun danger imm'ediat, car si sa situation 'etait peu confortable, elle 'etait relativement tranquille. Bien cramponn'e au battant de la cloche, il ne risquait pas de se laisser choir. Mais l’avenir se pr'esentait `a lui sous les plus sinistres aspects. Ribonard songeait qu’il 'etait pris `a son propre pi`ege.
Il avait pens'e faire preuve d’une extraordinaire habilet'e en n’envoyant `a Fant^omas, demeur'e dans la tour, au pied de l’'echelle, qu’un coffret vide. Ribonard s’'etait dit :
Ribonard, d’abord, ne s’inqui'eta pas exag'er'ement. Le premier moment de stupeur pass'e, l’apache 'eclata m^eme de rire :
— Ah bien, on peut dire qu’elle est roide celle-l`a. Fant^omas qui se cavale `a toute allure, avec un coffret rempli de peaux de balle et moi qui me marre `a l’int'erieur d’une cloche, avec des poches remplies de bijoux, s^ur que ca n’est pas ordinaire.
La gaiet'e du voleur, toutefois, disparut bient^ot.
— C’est pas ordinaire, songeait Ribonard, mais c’est pas distractif non plus. Faudrait voir, `a voir `a se tirer des pattes et presto, encore. Pour ce qui est des bijoux, ah c`a, dame, le Fant^omas, il peut ^etre s^ur qu’il se mettra la ceinture. J’en ai mon compte des mecs `a la redresse comme lui. Ca pose un et ca retient tout. Seulement, comment que je m’en vais sortir de l`a-dessous ?
Ribonard, qui serrait toujours entre ses genoux le renflement du bourdon, qui pressait entre ses bras la tige du battant, leva la t^ete. S’'evader de la cloche par en haut, impossible. Il 'etait pris l`a dedans de facon irr'em'ediable. Il ne pouvait m^eme songer au moindre tour d’acrobatie, `a la moindre tentative d’'evasion, la cloche l’enserrait dans sa cavit'e, l’emprisonnait plus s^urement que n’importe quelle muraille, car il n’avait rien qui lui perm^it d’attaquer le bronze 'epais dont elle 'etait faite.
— Boucl'e par en haut, boucl'e sur les c^ot'es, conclut philosophiquement Ribonard, va falloir se tirer par en dessous.
Ribonard, bient^ot fit la grimace…
— C’est tr`es joli `a dire, pensa-t-il, mais c’est pas commode `a faire. Comment diable m’y prendre ? Sauter sur le plancher ? D’abord il y a quatre ou cinq m`etres ce qui repr'esente d'ej`a un bond peu agr'eable, et ensuite le plancher est bien trop 'etroit pour que j’aie la chance de pouvoir m’y rattraper. Si je saute, il y a gros `a parier que je vais manquer mon coup et me casser la gueule sur les chaises de l’'eglise, c’est-`a-dire, qu’`a moins de chances impr'evues, je me tue net.
L’apache se prit `a r'efl'echir.
— Ce qu’il faudrait, pensa-t-il, c’est trouver le moyen de fabriquer une corde avec mes habits. Je pourrais l’attacher au battant et me laisser filer jusqu’au sol. Oui, mais voil`a. Ex'ecuter ce petit travail, ici, en 'equilibre comme je suis, c’est exactement comme d’essayer de transformer un violon en bateau `a vapeur. Impossible. Ah, ca se complique.
Ca se compliquait, en effet.
De se tenir au battant de la cloche, serrant de toutes ses forces le renflement du bourdon, Ribonard commencait `a ressentir une crampe terrible dans le mollet.
— Bon Dieu de bon Dieu, fit-il, si ca continue `a aller comme ca, tout `a l’heure je m’en vas l^acher prise et faire le saut p'erilleux. Quel salaud que Fant^omas.
Ribonard, qui d’ordinaire avait peur de son ombre, montrait `a pr'esent un certain courage, tandis qu’il raisonnait assez froidement sur les chances qu’il avait de se tirer de sa situation 'elev'ee.
— Je ne peux pourtant pas rester l`a, finit-il par songer. D’abord, s^ur de s^ur, `a la longue, je me laisserais tomber, et puis y a encore autre chose. Si demain matin les ratichons me d'enichent, je peux bien faire mon deuil de ma qualit'e d’homme libre. On trouvera sur moi les diamants vol'es. Depuis l’autre jour, y a l’histoire de Chamb'erieux clamec'e et depuis hier, depuis avant-hier, celle du marquis de Tergall qui embrouillent encore les affaires de Saint-Calais. Il ne ferait pas bon pour moi de me laisser coffrer. Mais c’est qu’avec tout cela, j’oublie encore que je vais pas pouvoir rester longtemps ainsi cramponn'e. V’l`a qu’c’est dans le bras maintenant que j’ai une crampe.