Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Fandor n’'etait pas fou.
Fandor qui, dans toutes ses phrases, temp^etant, rageant, parlait de boule, allant m^eme jusqu’`a croire, en un langage rude mais explicite, qu’il avait « perdu la boule », Fandor 'etait parfaitement raisonnable.
Lorsque le malheureux journaliste, apr`es son extraordinaire enl`evement, s’'etait r'eveill'e, il avait pu se croire insens'e, en s’apercevant ou en croyant s’apercevoir `a l’int'erieur d’une boule. C’'etait l`a une chose si surprenante, surtout en raison de la luminosit'e qui semblait environner la boule dans laquelle il croyait ^etre, qu’il pouvait, `a bon droit, douter du t'emoignage de ses sens.
Mais, petit `a petit, Fandor avait retrouv'e son sang-froid ; petit `a petit il s’'etait persuad'e qu’il voyait bien r'eellement ce qu’il pensait voir et que ce n’'etait pas une illusion, qu’il 'etait bien `a l’int'erieur d’une boule.
Le plancher sur lequel il s’appuyait s’incurvait en un cercle parfait, les murs 'etaient courbes aussi. Courbe 'etait le plafond et si son cachot 'etait 'etroit, petit au point qu’il ne pouvait s’y lever, sa forme 'etait indiscutablement celle d’une boule.
Fandor s’'etant convaincu de la chose n’avait naturellement qu’un d'esir : identifier au plus vite quelle pouvait ^etre la sph`ere `a l’int'erieur de laquelle Fant^omas l’avait pr'ecipit'e.
Fandor, heureusement, avait si bien l’habitude de consid'erer sa vie comme une chose perp'etuellement en jeu et jamais assur'ee qu’il ne d'esesp'era pas. C’est pos'ement, avec le plus parfait sang-froid qu’il cherchait `a comprendre o`u il se trouvait et cela en usant d’une m'ethode rigoureusement logique.
— 'Etant donn'e que je suis `a l’int'erieur d’une boule, et d’une boule lumineuse, se d'eclara-t-il, o`u suis-je ? Il est 'evident que je ne peux pas sortir, et non moins 'evident que…
Mais, `a cet endroit de son raisonnement, il s’interrompit :
— Ventre du diable. Cr'edibis`eque, vertu de concierge. Je reconnais le couplet !
Et, de sa voix d'eplorablement fausse, Fandor acheva l’air alors `a la mode. Que s’'etait-il pass'e ?
En pr^etant l’oreille, Fandor venait tout simplement d’entendre dans le lointain un bruit d’orchestre, des chants, des choeurs.
Et il n’en avait pas fallu plus au subtil journaliste pour deviner quelle 'etait sa prison.
— Mis'ericorde, jura Fandor, partag'e entre le rire et les larmes, je suis foutu, mais je suis foutu d’une facon originale. Je parierai mille francs contre un demi-centime que je suis enferm'e dans la grande boule qui surplombe la facade d’un music-hall, des Folies-Berg`ere. La musique que j’entends, c’est la musique qui vient de la sc`ene et les lueurs qui illuminent ma prison, sont le reflet de l’'eclairage violent sur la facade.
Oui, c’'etait bien dans la boule qui couronne la facade des Folies-Berg`ere qu’il 'etait prisonnier, c’'etait bien en cette introuvable cachette que Fant^omas avait d^u le jeter.
— C`a, c’est pas ordinaire, finit-il par se dire `a lui-m^eme.
Et il rageait d’autant plus qu’en y r'efl'echissant le malheureux songeait qu’il se trouvait `a quelques m`etres de son propre domicile.
Or, il y avait bien vingt-quatre heures que Fandor 'etait `a l’int'erieur de la boule et il se demandait s'erieusement si Fant^omas ne l’avait point condamn'e `a y mourir de faim, lorsque le sommet de la sph`ere brusquement s’ouvrit.
Fandor, aussit^ot fut debout. Une main arm'ee d’un revolver se tendit vers lui en m^eme temps qu’une cagoule s’encadrait dans l’'etroite ouverture.
— Bonjour, J'er^ome Fandor.
Fandor fut sur le point de se r'epandre en invectives. Mais fallait-il donner `a Fant^omas, car assur'ement c’'etait Fant^omas, le spectacle de sa d'etresse ? Impassible, donc Fandor r'epondit :
— Bonjour, Fant^omas.
Fant^omas, car c’'etait bien Fant^omas, qui, renseign'e par B'eb'e et Beaum^ome (tous deux, avaient parfaitement reconnu Fandor dans le bouge du p`ere Coup-de-B^aton), avait fait enlever le journaliste ; Fant^omas ne s’attardait point `a prononcer des mots inutiles.
— J'er^ome Fandor, faisait-il, r'efl'echissez bien `a ce que je vais vous apprendre et vous demander. Juve est entre mes mains. C’est un premier avertissement, vous m’entendez, Fandor ?
— Je vous entends, ripostait Fandor qui n’avait point tressailli.
— Eh bien, dites-moi o`u est ma fille, dites-moi o`u est H'el`ene, ou sans cela, sur mon honneur, je vous le jure, je fais subir `a Juve les plus affolantes tortures, je le mutile, je lui coupe l’oreille droite, puis la gauche, un doigt, puis un autre. Allons, parlez.
Oh, Fant^omas n’avait pas besoin d’entrer dans de plus amples explications. J'er^ome Fandor avait parfaitement compris les sinistres menaces que lui adressait le bandit.
— Fant^omas ! hurla Fandor d’une voix tortur'ee, Fant^omas, je vous jure que je vais vous dire la v'erit'e : je ne sais pas o`u est H'el`ene.
Un 'eclat de rire lui r'epondit. Fant^omas ne le croyait pas.
— Voici de quoi vivre, hurlait le bandit en jetant `a Fandor un sac de provisions, r'efl'echissez bien `a ce que je vous demande, je reviendrai vous revoir dans quatre heures et dans quatre heures je vous apporterai, pour vous convaincre et pour vous d'ecider, l’oreille droite de Juve. Vous pouvez, en parlant, le sauver d’une nouvelle mutilation.
Avec un claquement sec, la trappe se referma, Fant^omas s’'eloigna.
Du temps passa. J'er^ome Fandor 'etait encore 'ecroul'e sur le sol de son extraordinaire prison, il avait `a peine eu le temps de r'efl'echir, croyait-il, qu’`a nouveau le bandit venait rendre visite `a son prisonnier.
— Fandor ! hurlait Fant^omas, encadrant sa cagoule noire dans l’'etroite ouverture de la boule, vous apprendrez que mes menaces ne sont jamais des menaces vaines.
Il jetait en m^eme temps `a Fandor un chiffon sanglant qui se d'epliait aux pieds du journaliste et Fandor y voyait, avec un saisissement tel qu’il pensait mourir de peur, une oreille humaine, l’oreille de Juve.