Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Juve apprenait `a Fandor l’ultimatum pos'e par Fant^omas et la menace que celui-ci lui avait faite de lui apporter les oreilles du journaliste si Juve ne lui fournissait pas l’adresse de sa fille, H'el`ene.
La menace avait d’ailleurs eu un commencement d’ex'ecution puisque Juve avait recu une oreille.
Le journaliste p^alit ; pour toute r'eponse il tira de sa poche le vestige humain que Fant^omas lui avait remis quelques heures auparavant :
— Une oreille droite, dit Fandor.
Abasourdi le policier consid'erait ce que Fandor lui montrait :
— J’ai recu l’oreille gauche, d'eclara-t-il enfin.
Les deux hommes se consid'er`erent, interdits :
— Mais alors, firent-ils ensemble, puisque nous ne sommes mutil'es, ni l’un ni l’autre, c’est qu’il y a une troisi`eme victime.
— Parbleu ! s’'ecria Juve, c’est 'evident et le plus important c’est de la retrouver, car nous ne doutons pas, n’est-il pas vrai, de l’identit'e du coupable ?
— H'elas, murmura Fandor, le plus important `a mon avis serait en somme de suivre les indications de Fant^omas, car s’il s’acharne de la sorte `a savoir ce qu’est devenue H'el`ene, c’est qu’elle se trouve dans une position terriblement inqui'etante et il faut lui porter secours.
— Juve, interrogea encore Fandor, nous sommes entour'es de myst`eres, de drames incompr'ehensibles. Que signifie cette histoire du pont Caulaincourt ? ce spectre dont tout le monde parle ?
Juve ne r'epondait pas, mais interrogeait Fandor :
— Et toi, Fandor, raconte-moi ce qui t’est arriv'e, que signifie l’histoire de cette boule ?
Pendant plus d’une heure les deux hommes discut`erent ^aprement, se communiqu`erent leurs impressions, ils conclurent enfin :
— L’essentiel, d'eclara Juve est de sortir d’ici, je vais faire le n'ecessaire, dans quelques instants tu seras libre, d`es lors tu iras te reposer chez toi quelques heures, puis rendez-vous ce soir, nous arr^eterons un plan de campagne, nous agirons.
Les choses se pass`erent comme l’inspecteur de la S^uret'e l’avait annonc'e, il obtint de M. Marquet la lib'eration du d'etenu ; une heure apr`es, Juve et Fandor se quittaient faubourg Montmartre, avec la promesse de se retrouver le soir m^eme.
***
Minuit venait de sonner depuis quelques instants et la repr'esentation du Moulin-Rouge termin'ee, les noctambules qui ne tenaient pas `a rentrer chez eux se r'epandaient dans les restaurants de nuit avoisinant la place Blanche. Une foule 'el'egante et nombreuse s’empressait 'egalement de gagner le grand restaurant qui s’'etend sous la salle m^eme du Moulin-Rouge.
L’arriv'ee de la foule avait d'echa^in'e l’orchestre de tziganes qui attaquait une marche aux rythmes saccad'es, cependant que les garcons du restaurant et du bar allaient et venaient affair'es, que les femmes du vestiaire se pr'ecipitaient sur les clientes ; en l’espace de quelques secondes la plus grande animation r'egna dans la salle.
Une petite femme assise `a l’entr'ee du bar adressait soudain son plus aimable sourire `a un homme d’une cinquantaine d’ann'ees qui, raide dans son habit noir, passait `a c^ot'e d’elle sans para^itre la remarquer.
— Bonsoir, m’sieu, fit-elle.
Le personnage s’arr^eta, la consid'era un instant :
— Mademoiselle Delphine Fargeaux ? fit-il.
Et il regarda la femme avec un air `a la fois ennuy'e et surpris. La jolie fille, ce jour-l`a, 'etait v^etue d’une robe claire toute garnie de dentelle qui lui allait `a ravir. Elle avait pos'e sur ses cheveux noirs un grand chapeau de feutre gris qui seyait admirablement `a sa beaut'e brune ; elle 'etait vraiment charmante.
Elle r'epondit, plus aimable encore, `a son interlocuteur :
— Asseyez-vous donc, monsieur Dupont. Offrez-moi quelque chose.
C’'etait, en effet, Dupont de l’Aube, le s'enateur ambassadeur d’Espagne, qui, conform'ement aux habitudes contract'ees depuis qu’il avait doubl'e le cap de la cinquantaine, fr'equentait avec une assiduit'e inqui'etante pour sa sant'e les bo^ites de nuit de Montmartre.
M. Dupont de l’Aube, toutefois, paraissait fort g^en'e et, loin d’accepter l’invitation de la jeune personne il s’excusa :
— Je suis d'esol'e, mademoiselle, de ne pouvoir vous ^etre agr'eable, mais ce soir je suis pris, oblig'e de m’en aller. Excusez-moi.
Le s'enateur tournait les talons, s’esquivait avec rapidit'e. Le visage de Delphine s’attrista ; lorsque le s'enateur fut parti elle grommela, rageuse :
— C’est bien ca les hommes, ils ne savent jamais ce qu’ils veulent. L’autre soir au skating, c’'etait le plus acharn'e et voil`a que maintenant il me d'edaigne.
Delphine soupira :
— Oh je comprends bien. Ce n’est pas le premier. Tous les hommes que j’ai connus, lorsqu’ils ont appris ma profession et su que je n’'etais pas une vulgaire grue, que je travaillais honn^etement, se sont d'ebin'es. Il faut dire, ajoutait-elle, que je ne fais pas un m'etier ordinaire. Probable que cela les d'ego^ute de savoir que je suis dans les Pompes fun`ebres.
Delphine Fargeaux, r'esign'ee, se leva, r'egla sa consommation, quitta l’'etablissement.
C’'etait un curieux caract`ere que celui de cette petite femme, amoureuse de l’amour et du plaisir avant tout, et qui venait tra^iner dans des 'etablissements ordinairement fr'equent'es seulement par des filles v'enales.