Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Il faut faire une perquisition tout de suite, avertir la police, avait sugg'er'e quelqu’un.
En attendant on r'eveillait le gardien. Au bout de quelques instants une petite porte sur le c^ot'e s’entreb^aillait, un homme `a demi v^etu, les yeux encore bouffis de sommeil, apparaissait. Il recula 'epouvant'e `a la vue de la foule mass'ee dans l’avenue Rachel.
— Qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce qu’il y a ? interrogea-t-il.
En vain lui aussi s’efforcait-il de comprendre les explications qu’on lui donnait, il r'ep'eta, machinalement, les paroles en apparence incoh'erentes qui retentissaient `a ses oreilles :
— Des voleurs ? des spectres ? des revenants ? qu’est-ce que vous me chantez l`a ?
L’homme poussa un cri, agita les bras, protesta :
— Non, non, on n’entre pas, c’est d'efendu.
Mais en vain, cherchait-il `a s’interposer. La foule envahit le cimeti`ere et par la porte ouverte les gens s’introduisirent en masse dans la n'ecropole.
Il y avait l`a des 'el'egants, des f^etards en habit coiff'es de hauts-de-forme et qui ricanaient, serrant de pr`es des femmes aux toilettes tapageuses avec lesquelles ils venaient de boire dans les 'etablissements de nuit de Montmartre.
Au milieu d’eux grouillait une troupe mis'ereuse de pauvres gens mal v^etus, de vieilles d'eguenill'ees, d’hommes `a face patibulaire. Et tout ce monde-l`a fraternisait, se rapprochait, semblait d’accord pour atteindre un m^eme but : on voulait `a toute force visiter le cimeti`ere, savoir, avoir la cl'e de l’'enigme qui pr'eoccupait tout le monde depuis d'ej`a plus de trois quarts d’heure.
Les agents, impuissants `a mater la foule, s’'etaient r'esign'es `a la suivre et les deux sergents de ville qui avaient 'et'e attir'es par l’attroupement du pont Caulaincourt, p'en'etr`erent, eux aussi, dans le cimeti`ere. Barnab'e, moins ivre qu’une heure auparavant, semblait diriger la marche des gens qui, d'esormais troubl'es par le silence impressionnant des tombes et quelque peu g^en'es par le voisinage des caveaux mortuaires, semblaient de moins en moins d'esireux d’aller plus avant au fur et `a mesure qu’on avancait. Une petite femme, qui n’avait pas l^ach'e le bras de son ami, apr`es avoir 'et'e des plus acharn'ees `a p'en'etrer dans le cimeti`ere, se roidit contre l’'emotion et supplia, tremblante :
— Allons-nous-en.
Son compagnon ne demandait pas mieux que de la satisfaire ; il regrettait aussi de s’^etre ainsi avanc'e, il fit volte-face avec sa compagne. Ce mouvement semblait ^etre un signal, et bon nombre de ceux qui s’enfoncaient dans l’obscurit'e froide du champ de repos les imitaient, reculaient, s’en allaient, regagnaient avec satisfaction le monde des vivants.
Et, au bout de quelques minutes, ce que les agents avaient 'et'e impuissants `a obtenir, la solennit'e tragique du voisinage de la mort le r'ealisait. Comme par enchantement, le cimeti`ere se vidait et il ne restait plus que quelques personnes assez acharn'ees, assez audacieuses, pour continuer la marche en avant, pour poursuivre les recherches.
Il y avait l`a toujours Barnab'e, les agents, le gardien du cimeti`ere qui n’'etait pas encore revenu de sa stup'efaction et s’affolait `a l’id'ee du scandale que constituait cette invasion nocturne. Il y avait aussi deux messieurs bien habill'es, quelques pierreuses au visage tragique, un homme aux allures de domestique de bonne maison, le cocher John.
Celui-ci, toutefois, ne tardait pas `a dispara^itre. Quant `a la vieille femme que l’on avait vue `a c^ot'e de Barnab'e et qui, la premi`ere, avait signal'e l’apparition du spectre, elle s’'etait depuis longtemps 'eclips'ee.
Le cimeti`ere semblait plong'e dans la tranquillit'e la plus absolue. On n’entendait plus rien et les bruits de la ville, d'ej`a lointains, n’y parvenaient que tr`es att'enu'es. Des bouff'ees d’air froid semblaient surgir du fond de la terre, s’'echapper de myst'erieuses ouvertures m'enag'ees `a l’entr'ee des caveaux.
Cependant, la petite troupe rest'ee dans le cimeti`ere s’enhardissait peu `a peu. Depuis quelque temps d'ej`a, on n’avait rien remarqu'e d’insolite, et la vision qui avait stup'efi'e tant de monde paraissait s’^etre 'evanouie d'efinitivement. On venait de passer sous le pont Caulaincourt et, machinalement, les gens quittant l’avenue de l’Ouest, s’avancaient vers le fond du cimeti`ere, lorsque soudain ceux qui marchaient les premiers, pouss`erent une exclamation et s’arr^et`erent brusquement :
— Le voil`a, murmur`erent-ils. Encore le fant^ome.
Il y eut un mouvement de d'esordre, on h'esitait. Allait-on fuir ou continuer `a s’avancer ?
Le gardien du cimeti`ere, plus aguerri peut-^etre que les autres, eu 'egard `a sa profession et `a l’accoutumance qu’il avait contract'ee de vivre comme chez lui parmi les morts, s’'etait mis au premier rang et, prenant le bras de Barnab'e, il l’entra^inait avec lui.
— Viens voir, dit-il, c’est pas possible, il faut tirer cette affaire au clair.
Barnab'e n’'etait pas plus rassur'e que cela, d’autant qu’il venait de remarquer quelque chose qui n’'etait gu`ere pour lui convenir.
La derni`ere apparition du spectre myst'erieux venait de se produire `a droite du carrefour de l’avenue de l’Ouest. Or Barnab'e savait que c’'etait l`a que se trouvait le caveau de la famille de Gandia, que c’'etait l`a que, quelques jours auparavant, on avait enseveli la bi`ere remplie de sable dont il avait si myst'erieusement dissimul'e le contenu au commissaire des morts, d’accord avec le p`ere Teulard. S’agissait-il l`a d’une pure co"incidence, ou bien alors fallait-il y voir un rapprochement avec cette louche aventure ?
Barnab'e se laissa entra^iner par le gardien. Il se rapprocha de l’endroit o`u le spectre venait d’appara^itre, mais dont il avait aussit^ot disparu. Avec les agents et quelques personnes, il fit le tour du caveau de la famille de Gandia. Les investigations se poursuivaient sans le moindre r'esultat. D'ecid'ement, le spectre, s’il y en avait un, semblait s’^etre 'evanoui pour de bon, ou alors il avait fui devant l’attitude 'energique de ceux qui semblaient d'ecid'es `a le poursuivre.
Pendant quelques minutes, les uns et les autres cherch`erent dans l’entourage des tombes et des caveaux, lorsque soudain un cri de surprise s’'eleva un peu plus loin. On accourut, on se trouva en pr'esence d’un homme que d'ej`a l’on avait remarqu'e `a l’entr'ee du cimeti`ere, se m^elant `a la foule qui voulait y p'en'etrer. Puis, cet homme avait disparu, mais on le reconnaissait maintenant. Barnab'e, les agents se souvenaient de lui, c’'etait le domestique de bonne maison, c’'etait le cocher qui avait 'et'e, lui aussi, des premiers `a d'ecouvrir le spectre du pont Caulaincourt.
Cet homme, insoucieux des questions qu’on lui posait, n’y r'epondait point. Il demeurait `a demi pench'e vers le sol, regardait avec la plus grande attention quelque chose qui gisait par terre, pr'ecis'ement au pied du monument fun'eraire de la famille de Gandia.
Le gardien du cimeti`ere se pencha et prit dans ses mains quelque chose d’insolite, qui se trouvait sur le sol. On se pr'ecipita autour de lui pour voir, chacun s’exclama :
— Des v^etements.
C’'etaient des v^etements, en effet. Il y avait l`a un pantalon d’homme, un gilet largement 'echancr'e, une chemise blanche molle et une sorte d’habit noir, d’une coupe excellente. Le drap 'etait d’une finesse extr^eme. `A en juger par leurs dimensions, les v^etements allaient `a un homme de taille moyenne, mais cependant, `a les toucher, il semblait qu’ils devaient