Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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On s’efforcait de les 'etendre. Ils avaient 'et'e chiffonn'es, on voulait leur rendre leur forme premi`ere. Aid'e du fossoyeur et du gardien, le cocher y parvint. Sur la pierre tombale la plus voisine, on avait 'etendu cette 'etrange d'epouille masculine et, d`es lors, les assistants poussaient un murmure de stup'efaction : c’'etaient bien l`a les v^etements que portait le spectre qu’ils avaient vu. Ils avaient les habits du revenant, mais qu’'etait devenu celui-ci, comment avait-il pu dispara^itre ?
Pendant une bonne heure encore, on fouilla le cimeti`ere. Ce fut en vain. Les gens qui perquisitionnaient dans la n'ecropole en furent pour leur curiosit'e et leur angoisse ; depuis qu’il avait abandonn'e ses v^etements aux vivants, le fant^ome ne r'eapparaissait plus.
Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
D'ecourag'es, lass'es, troubl'es aussi par cette heure myst'erieuse, affolante qu’ils venaient de vivre, les uns et les autres avaient h^ate de s’en aller,
— Pourvu, prof'erait le gardien du cimeti`ere, qu’il n’y ait pas de scandale.
Et il s’efforcait d’expliquer la pr'esence de ces v^etements, en affirmant na"ivement :
— C’est quelqu’un qui, en passant, a d^u les oublier l`a.
On faisait semblant d’^etre de son avis, on hochait la t^ete, et les agents eux-m^emes, satisfaits de voir que personne dans la foule ne tenait `a soutenir l’opinion premi`ere, `a savoir que l’on avait bien vu une apparition surnaturelle, se rangeaient `a l’avis du gardien. L’un d’eux affirma, sentencieux :
— C’est pas la peine de faire une histoire avec cet incident, comme vous le dites, monsieur le gardien, c’est s^urement des v^etements qu’un passant a oubli'es dans le cimeti`ere, ou, alors, des habits qu’un farceur a jet'es par-dessus le pont. On ne fera pas de rapport pour une semblable b^etise.
Cette d'eclaration faite, les agents se retiraient, regagnaient rapidement l’avenue Rachel. Le gardien referma sa porte, apr`es avoir recommand'e `a Barnab'e :
— T^ache de tenir ta langue, mon vieux, inutile d’'ebruiter cela.
Barnab'e hocha la t^ete, certifia que tel 'etait bien son avis. Et, en effet, pour rien au monde, le fossoyeur qui, cependant, 'etait effroyablement troubl'e, n’aurait 'et'e d'esireux d’attirer encore l’attention sur le ph'enom`ene incompr'ehensible dont il avait 'et'e, pour ainsi dire, le premier t'emoin.
10 – PRISONNIER DE FANT^OMAS
Juve venait de p'en'etrer dans le petit cabinet qui lui 'etait r'eserv'e `a la Pr'efecture de police et qui formait en quelque sorte son bureau particulier.
Gr^ace `a ses nombreuses enqu^etes polici`eres, gr^ace `a sa renomm'ee, `a sa popularit'e, `a l’estime toute particuli`ere o`u le tenaient ses chefs, Juve jouissait d’une libert'e absolue et n’avait jamais `a justifier de l’emploi de son temps. Quand il passait `a la Pr'efecture, c’'etait fort bien. Quand il n’y passait pas, nul ne s’en 'etonnait, car on savait que, comme toujours, la raison de son absence 'etait une enqu^ete difficile, une poursuite p'erilleuse.
Juve, ce jour-l`a, en arrivant, avait trouv'e au bureau un formidable amoncellement de courrier, dispos'e sur sa table par petits tas bien r'eguliers.
— Oh, oh, s’'ecria-t-il, en examinant, sans y toucher, les piles de lettres, il y a d'ecid'ement bien des gens qui 'eprouvent le besoin de me faire des confidences. Si jamais j’entreprends de lire toutes ces lettres, j’en ai pour huit jours de travail.
La perspective souriait peu `a Juve et il h'esitait `a commencer ce d'epouillement, lorsqu’il se prit `a sourire.
— Que je suis b^ete, murmurait-il. Parbleu, les lettres anciennes ne sont plus int'eressantes. Les lettres r'ecentes seules peuvent m’apprendre quelque chose d’utile. Les lettres anciennes, ce sont assur'ement celles qui sont recouvertes d’une 'epaisse couche de poussi`ere, je les laisserai de c^ot'e. Mais voyons sans plus tarder le courrier de ces derniers jours.
Juve s’'etait d'ebarrass'e de son chapeau, avait jet'e son pardessus sur une chaise. Il alluma une cigarette, commenca d’ouvrir sa correspondance.
Le courrier de Juve 'etait une chose curieuse, tragique aussi. Il y avait de tout dans les lettres que l’on envoyait au c'el`ebre policier. Des correspondants anonymes le suppliaient de s’occuper de certaines affaires dont ils lui signalaient, avec une remarquable maladresse, les d'etails qui leur semblaient myst'erieux. D’autres l’appelaient au secours. D’autres encore, et ceux-l`a, il n’'etait pas besoin de chercher longtemps, pour deviner leur qualit'e d’apaches, lui faisaient d’'epouvantables menaces.
Juve avait d'ej`a d'epouill'e une bonne partie de sa correspondance r'ecente lorsqu’il tomba sur une toute petite enveloppe, presque une enveloppe de carte de visite o`u, d’une 'ecriture renvers'ee, ferme et intelligente, on avait trac'e `a l’encre rouge :
Pour Monsieur Juve, inspecteur de police, et pour lui seul.
— Bigre, fit Juve, en consid'erant cette enveloppe, le particulier qui a 'ecrit ca m’a l’air de tenir `a la discr'etion. Encore une histoire de femmes, sans doute.
Juve se leva, alla chercher dans la poche de son pardessus une nouvelle cigarette, revint `a sa table de travail, et, sans se d'ep^echer, l’esprit ailleurs, ouvrit la petite enveloppe qu’il avait d’abord repouss'ee.
Il en tira une feuille de papier visiblement d'etach'ee d’un carnet, une feuille de papier assez commune quadrill'ee de bleu en tous sens.
— Mon correspondant n’est pas riche, sourit Juve en ouvrant la lettre.
Tiens, que se passait-il ? La feuille de papier tremblait maintenant dans sa main, il mordait ses l`evres, il ponctua sa lecture d’un furieux juron quand il l’eut termin'ee :