Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Juve, lentement, fit le tour du ch^ateau. Il y avait bien pr`es de deux kilom`etres de murailles et cependant, patiemment, il les longea, inspectant et regardant de tous c^ot'es.
— Il ne s’agit pas d’escalader `a la l'eg`ere, murmurait Juve. Si je p'en`etre l`a-dedans par la grande entr'ee et si le ch^ateau est habit'e, il est bien probable que je n’arriverai pas jusqu’`a celui que je veux sauver. Si, d’autre part, j’escalade le mur `a un point quelconque, je peux tr`es bien me trouver aux prises avec des difficult'es que je ne soupconne pas.
Le tour du ch^ateau fait, Juve, qui ne sentait pas la fatigue, encore que depuis deux heures il pi'etin^at sur le sol boueux du bois, tint conseil avec lui-m^eme :
— Voyons, disait le policier, j’ai not'e, outre la grande entr'ee, quatre petites portes de fer cadenass'ees, mais faciles `a ouvrir. Dois-je entrer par l`a ? Hum ! si v'eritablement Fant^omas a fait une prison du Ch^ateau Noir, il est `a pr'esumer qu’il a 'etabli des travaux de d'efense, les portes sont peut-^etre munies d’un signal 'electrique. Allons, prenons-en notre parti, sautons ce mur.
Lestement, en gymnaste habile qu’il 'etait, le policier s’agrippait au lierre, s’aidait d’un arbre, et parvenait `a franchir la muraille. Du fa^ite, il sautait sur le sol. Il 'etait en plein parc, `a cent m`etres peut-^etre de la grande entr'ee, c’est-`a-dire du c^ot'e de la facade du ch^ateau.
Juve, une fois entr'e dans le parc, avait naturellement pr^et'e l’oreille : aucun bruit.
— De mieux en mieux, pensa-t-il, si Fant^omas est l`a, il doit y ^etre seul et n’attend pas ma visite !
Par crainte de s’'egarer dans le parc, d’ailleurs, Juve, toutes r'eflexions faites, d'ecida de s’engager dans une sorte d’all'ee qui longeait la grand-route et menait au perron du ch^ateau.
— On ne doit pas me voir de l’habitation, murmurait-il.
Mais cependant, par acquit de conscience, il longeait les fourr'es. Juve, `a ce moment, arr^etait dans sa t^ete un plan d’op'eration.
— Je vais tout tranquillement, pensait-il, me rendre `a la porte des cuisines. Je sonnerai, je frapperai, et de deux choses l’une : ou l’on viendra m’ouvrir et, dans ce cas, j’aurai `a m’expliquer avec le personnage qui me recevra, ou bien on ne r'epondra pas `a mes appels, et ma foi, tant pis, je fracture la porte.
H'elas, au moment m^eme o`u Juve 'etablissait son plan de bataille, il poussait un juron formidable :
— Ah, nom de Dieu ! Qu’arrivait-il donc ?
Absorb'e par ses r'eflexions, Juve, suivant le petit sentier qu’il avait choisi, avancait sans prendre garde, pour tout dire, sans se m'efier. Or, au moment o`u il posait le pied `a terre, sur un lit de mousse, voil`a qu’il avait senti que le sol se d'erobait sous lui, que son pied enfoncait dans le vide, que la mousse s’'ecroulait, qu’il tombait.
Juve eut beau se jeter en arri`ere, se d'ebattre, vouloir s’accrocher co^ute que co^ute au sol, il ne pouvait y r'eussir. La mousse sur laquelle il marchait lui avait voil'e un pi`ege 'epouvantable. Il tombait au fond d’un trou, profond de quelques m`etres, creus'e en forme d’entonnoir renvers'e, et le policier, en constatant la forme sp'eciale de ce pr'ecipice avait eu imm'ediatement l’impression qu’il ne parviendrait pas `a remonter seul jusqu’au niveau du sol.
Juve, d’ailleurs, apr`es avoir roul'e sur les parois du pr'ecipice se meurtrissait et s’'ecorchait, s’affalant lourdement au fond. Il n’'etait pas tomb'e de haut, mais il 'etait tomb'e en se d'ebattant et sa t^ete avait port'e si violemment contre une grosse pierre qu’il en 'etait encore tout 'etourdi.
— Hum ! pensa Juve, en regardant l’extraordinaire ravin dans lequel il venait de choir, je ne peux gu`ere me faire d’illusion, je viens de rouler dans une fosse qui doit ^etre destin'ee `a me servir de tombeau.
Juve, d’ailleurs, eut peu de temps pour r'efl'echir `a l’horreur de sa situation. Il venait `a peine de se relever, il avait `a peine repris conscience, qu’une voix railleuse l’apostrophait :
— D'ecid'ement, mon cher Juve, vous avez lourdement manqu'e de flair depuis ce matin et vous accumulez les gaffes !
Oh, cette voix, cette voix qui parlait, qui appartenait `a un homme invisible, Juve la reconnaissait `a la minute. Il n’y avait qu’un ^etre au monde qui p^ut rire de ce rire.
— Fant^omas, hurla Juve, finissons-en ! Vous m’avez pris, tuez-moi, j’aime mieux p'erir en tombant dans un pi`ege dress'e `a ma piti'e que vivre en 'etant l^ache ; je me doutais bien que Backefelder n’'etait pas votre prisonnier, je pensais bien que la lettre de ce matin 'etait une ruse, tant pis, je ne pouvais pas risquer la possibilit'e de ne point aller au secours d’un malheureux.
Mais la voix de Fant^omas interrompit Juve :
— La paix ! ordonnait rudement le bandit, nous ne sommes pas ici pour faire des phrases. Et je n’ai nullement l’intention de vous tuer.
— Vraiment ?
— Je vous en donne ma parole.
— Juve, poursuivit Fant^omas – mais d'esormais sa voix 'etait devenue plus douce, moins sarcastique – Juve je veux que vous viviez.
— Grand merci, Fant^omas, mais vos d'esirs ne seront pas r'ealis'es, j’ai un revolver dans ma poche qui me permettra…
— Vous n’avez pas de revolver.
Avant m^eme que Fant^omas lui e^ut affirm'e qu’il n’avait pas de revolver, Juve s’'etait apercu, en effet, en se fouillant f'ebrilement, qu’il n’avait pas son fid`ele browning. La poche de son veston avait 'et'e fendue, l’arme avait d^u tomber. Juve avait 'et'e d'epouill'e de son seul moyen de d'efense sans qu’il s’en f^ut m^eme rendu compte.
— Vous n’avez pas de revolver, poursuivait Fant^omas, parce que j’ai fait en sorte que vous soyez d'esarm'e, pour vous 'eviter toute pens'ee funeste. En revanche, Juve, vous avez dans la poche de votre pardessus une excellente paire de menottes, du syst`eme brevet'e r'ecemment adopt'e par la S^uret'e. Est-ce exact ?