Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
Шрифт:
Ils s’introduisirent avec pr'ecaution et se trouv`erent soudain en pr'esence du prisonnier, qui, assis sur un escabeau semblait r'efl'echir.
— Voyons, monsieur, commenca le commissaire en prenant un air paternel, vous paraissez plus calme que tout `a l’heure, fournissez-nous quelques explications sur votre personnalit'e, sur les 'ev'enements qui se sont produits et dont l’encha^inement s’ach`eve pour vous au poste de police ? Comment vous appelez-vous ?
Le prisonnier, un homme d’une trentaine d’ann'ees environ, `a la moustache blonde, au visage ouvert, r'epliqua simplement :
— Je vous l’ai d'ej`a dit, monsieur le commissaire, je m’appelle J'er^ome Fandor.
— Je sais cela, encore que vous ne l’ayez pas compl`etement d'emontr'e.
Puis, se tournant vers le directeur des Folies-Berg`ere, le magistrat poursuivit `a voix basse :
— Beaucoup d’individus, j’ai vu cela souvent dans ma carri`ere, n’h'esitent pas, pour dissimuler leur personnalit'e `a prendre les noms de personnes connues, notoires, Ils s’imaginent qu’en agissant ainsi, sur leur simple d'eclaration on les remettra en libert'e. Mais heureusement nous sommes plus malins qu’eux et leur ruse reste inutile.
M. Marquet se tournant vers l’individu, poursuivit :
— Eh bien, monsieur J'er^ome Fandor, puisque vous pr'etendez ^etre M. J'er^ome Fandor, expliquez-nous un peu ce qui s’est pass'e ?
— C’est bien simple, monsieur le commissaire, j’'etais clans la boule, dans la boule en verre, dans cette grande boule lumineuse que tout Paris conna^it et qui surmonte le toit des Folies-Berg`ere, cette sph`ere n’est pas, fort heureusement d’ailleurs, tr`es solidement assujettie ; il m’est venu l’id'ee d’en sortir, je me suis agit'e violemment, j’ai remu'e dans tous les sens, j’ai fait l’impossible pour la d'etacher de son pi'edestal. Je reconnais que je jouais l`a un jeu dangereux, car si la boule, au lieu de tomber sur le toit, 'etait tomb'ee dans la rue, j’avais mille et une chances de me casser les reins. Heureusement qu’elle est tomb'ee sur le toit, elle l’a m^eme perfor'e et j’ai d'egringol'e, assez violemment d’ailleurs pour me faire des contusions et des 'egratignures, dans la galerie du promenoir des Folies-Berg`ere. Cette chute m’a quelque peu 'etourdi, je crois bien que j’ai perdu connaissance et lorsque je suis revenu `a moi j’ai trouv'e, m’entourant de leurs soins, deux ou trois agents de police qu’assistait d’ailleurs M. Ramiel, qu’on m’a dit ^etre le directeur des Folies-Berg`ere.
M. Ramiel hochait la t^ete :
— Tout cela est parfaitement exact, dit-il.
— Mais, reprit le commissaire, comment vous trouviez-vous l`a ?
— Ah ! fit Fandor – car c’'etait lui en effet –, voil`a la question. Comment je me trouvais l`a, je ne puis vous le dire.
Et il se renferma aussit^ot dans un mutisme absolu. M. Marquet haussa les 'epaules, il se retourna vers M. Ramiel :
— Voil`a, fit-il, toujours la m^eme attitude, cet homme-l`a ne parlera pas, c’est un simulateur ou un fou, nous n’en obtiendrons rien de plus.
Et il se disposait `a quitter le petit local dans lequel Fandor 'etait enferm'e depuis deux heures d'ej`a. Le journaliste rappela le commissaire :
— Monsieur…
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Monsieur, j’avais sollicit'e tout `a l’heure de votre obligeance qu’on all^at pr'evenir l’un de mes amis de ma pr'esence ici. Un inspecteur de la s^uret'e, M. Juve. A-t-on fait droit `a ma requ^ete ?
Le commissaire r'epondit :
— J’en envoy'e un agent `a l’adresse que vous m’avez indiqu'ee, mais je ne sais pas si M. Juve se d'erangera.
Cependant le visage de Fandor s’'eclairait :
— Si Juve est chez lui, murmura-t-il et s’il apprend que c’est Fandor qui le demande, je suis bien assur'e qu’il viendra.
Fandor, toutefois, froncait le sourcil. Juve 'etait-il chez lui ?
Le journaliste, d'esormais seul dans sa cellule, allait et venait en proie `a une 'emotion profonde. D’une main nerveuse, il fouillait sa poche, il tressaillit en y sentant quelque chose de froid qu’il y avait dissimul'e. Il 'etait seul, et d'esormais les angoisses qu’il ressentait se trahissaient par des contractions nerveuses sur son visage.
Or, il venait, en effet, d’un geste machinal de palper l’oreille que quelques heures auparavant Fant^omas 'etait venu lui apporter : l’oreille de Juve. Oh, cela 'etait 'evident, indiscutable et d`es lors, si Juve s’'etait laiss'e couper une oreille, c’est qu’il 'etait s'equestr'e, immobilis'e par Fant^omas, comme Fandor venait de l’^etre lui-m^eme pendant vingt-quatre heures.
— Sale affaire, grommela le journaliste dont les poings se crispaient.
Au bout d’une demi-heure, Fandor, qui demeurait prostr'e dans le local obscur o`u il ne percevait aucun bruit et se faisait des r'eflexions am`eres, poussa un cri de surprise et de joie.
Dans le couloir voisin il venait d’entendre un pas pr'ecipit'e, il reconnaissait la voix de Juve, un instant apr`es la porte s’ouvrait :
— Juve !
— Fandor !
Les deux amis s’'etaient retrouv'es, ils s’'etreignaient les mains et brusquement tous deux, dans le m^eme geste instinctif, l^achaient leurs doigts, puis les portaient `a leur visage.
— Ah nom de Dieu, s’'ecria Fandor, vous avez vos oreilles, Juve ?
Juve, faisait le m^eme geste, la m^eme r'eflexion :
— Fandor, tu n’es donc pas mutil'e ?
Ils se regard`erent tous deux, stup'efaits d’abord, puis 'eclat`erent de rire, semblant en proie `a une joie folle.
M. Marquet qui assistait `a cette sc`ene, tout en se tenant l'eg`erement en ‘arri`ere, murmura `a M. Ramiel qui ne l’avait pas quitt'e :
— Je me demande ce que tout cela signifie. Seraient-ils aussi fous l’un que l’autre ?
Mais Juve se tourna vers le commissaire :
— Monsieur Marquet, d'eclara-t-il, je r'eponds tout d’abord `a votre premi`ere question : votre prisonnier, puisque c’est un prisonnier, est bien M. J'er^ome Fandor, mon ami. Maintenant permettez-moi de vous demander de nous laisser seuls quelques instants. Je me porte garant de M. J'er^ome Fandor.
Puis se tournant vers M. Ramiel, il ajoutait :
— Les d'eg^ats qui ont 'et'e caus'es `a votre 'etablissement vous seront, monsieur, int'egralement rembours'es.
Quelques instants apr`es, Fandor et Juve s’entretenant en t^ete `a t^ete, discutaient avec animation :
— Enfin, Fandor, je te revois, s’'ecriait le policier tout heureux qui ne se lassait pas de regarder le visage de son ami et de constater qu’il avait toujours ses deux oreilles.
Apr`es s’^etre rapidement expliqu'e sur la facon myst'erieuse et extraordinaire dont ils s’'etaient sauv'es l’un et l’autre de Fant^omas, lorsque la t'em'erit'e du bandit les avait attir'es en pleine mer sur le rocher du phare de l’Adour, ils en venaient aux myst'erieux 'ev'enements dont ils venaient d’^etre victimes l’un et l’autre.