Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Et les gardes civils, d’un commun accord, demand`erent :
— O`u est-il donc, l’insulteur de la Pepita ?
Mais, `a ce moment, une stupeur arr^etait net ceux qui se dressaient dans le bouge pour d'efendre la Pepita. Sur le seuil de la porte, nonchalamment appuy'ee `a la grille de bois, une apparition se tenait, apparition exquise, divine, celle d’une femme tout envelopp'ee d’un long manteau noir dont on ne voyait gu`ere que le visage, un pur visage d’Espagnole de race, aux lignes fines et fermes encadr'e d’une merveilleuse chevelure noire dont les reflets soulignaient encore la blancheur du teint.
Et cette femme, cette femme apparue l`a, cette femme riait.
— Oh la se~nora, disait-elle enfin, calmez votre courroux, ce n’est point un homme qui vient de parler, c’est une femme, je n’insulte pas la Pepita, je constate simplement qu’elle ne sait pas danser.
Mais c’'etait en v'erit'e trop d’audace.
L’inconnue n’avait pas achev'e de parler que la Pepita, d'ej`a avait bondi vers elle.
Dans sa main sa lame brillait. Ses yeux jetaient des 'eclairs :
— Par la Madone ! hurlait la danseuse. Fille du diable, je te rentrerai tes propos dans la gorge !
Et un drame se f^ut peut-^etre d'eroul'e, car la Pepita 'etait fille `a faire comme elle disait et l’inconnue n’avait pas boug'e, n’avait pas recul'e, insoucieuse, semblait-il, si l’un des gardes civils qui, tout `a l’heure s’'etait fait champion de la Pepita, n’avait arr^et'e la ballerine par le bras :
— Se~norita, disait-il, on ne se bat point de femme `a femme et vous ne voudriez point tuer une enfant qui a des yeux aussi beaux que les v^otres.
Tourn'e vers l’inconnue, le garde civil continuait :
— Se~norita, ici, nous aimons la Pepita et nous trouvons qu’elle danse comme dansent les anges de Dieu, mais par la Madone, puisque vous n’^etes point de notre avis, soyez donc la bienvenue parmi nous et dansez `a votre tour. Qui traite d’^anesses les oiseaux, qui parle de mules devant l’envol'ee des fleurs, doit, `a coup s^ur, m'eriter nos applaudissements. Se~norita, `a votre tour, dansez mieux qu’elle et la Pepita sera la premi`ere `a vous applaudir.
C’'etait fort bien parl'e et la Pepita n’y contredisait pas :
— Dansez, se~norita, dit-elle subitement calm'ee, en jetant aux pieds de l’'etrang`ere son tambourin et ses castagnettes, l’^anesse apprendra peut-^etre le fandango en vous regardant, qu’`a vous entendre, elle ne sait point interpr'eter.
Or, la femme qui s’appuyait toujours `a la barri`ere de bois de la maison de danse, souriait.
Elle comprenait sans doute ce qu’il y avait d’ironique dans la facon dont on l’invitait `a succ'eder `a la Pepita. Elle devinait qu’on s’appr^etait `a la siffler pour venger l’insulte qu’elle venait de faire `a la danseuse favorite, pourtant elle n’h'esita pas.
— Soit, se~nores, je danserai.
D’un coup de pied elle ouvrit la barri`ere, entra dans la maison de danse.
— Se~nor, vous garderez mon manteau. Vous garderez mon manteau, reprenait la nouvelle venue et je vous paierai votre service en vous donnant cette fleur.
Au coin de ses l`evres, elle tenait en effet une superbe fleur rouge qui rehaussait encore la nacre de ses joues. `A la vol'ee, elle l’envoya au garde civil qui p^alit soudain.
Puis, l’inconnue s’avanca dans le rond de lumi`ere que dessinait la lampe suspendue `a la poutre du plafond, brusquement elle apparut sortant de l’ombre, `a tous les regards.
`A peine 'etait-elle entr'ee dans le flot de lumi`ere qu’un frisson passait sur l’assistance. L’'etrang`ere 'etait admirablement belle. Elle portait le costume des danseuses professionnelles, la jupe tombant jusqu’aux chevilles, toute garnie de volants de dentelles, sem'ees de clochettes argentines et de grelots. Dans son chignon brillaient deux grands peignes de corail, un collier d’ambre ruisselait sur sa poitrine. Elle 'etait mutine, provocante, troublante :
— Se~nores, je danse, annonca-t-elle.
Et elle dansa. Sur un rythme populaire en Espagne, un rythme fi'evreux et ardent qu’elle indiquait de ses castagnettes et que les joueurs de guitare soulignaient instinctivement d’une basse chantante, elle interpr'etait follement, rapide par moments, adorablement lascive en d’autres, une valse de fantaisie.
Au sein du bouge empuanti de l’odeur des pipes et des longues cigarettes d’^acre tabac, elle fut quelques instants comme un flocon tourbillonnant de neige, comme un p'etale de fleur agit'e par la brise insensible.
Touchait-elle terre ? On en e^ut dout'e. Toute sa personne 'etait gr^aces et mouvements, elle dansait et mimait `a la fois, il y avait dans le jeu de ses bras, dans l’'eclair de ses yeux, l’ardeur des d'eclarations d’amour, la foi des 'etreintes, l’abandon calme des causeries le soir au clair de lune.
Et puis, brusquement, elle acc'el'era son pas, secoua plus fr'en'etiquement ses castagnettes palpitantes, `a quatre temps sur trois pointes qu’eussent jalous'ees les plus c'el`ebres danseuses, et elle s’arr^eta net.
Et alors, cependant qu’au fond de la salle la Pepita, de rage, d'echirait de ses dents aiguis'ees comme des couteaux un fin mouchoir de dentelle, les bravos 'eclat`erent, furieux, prodigieux, enthousiastes.
— Bravo, bravo !
On jetait des fleurs, on jetait des 'eventails, on agitait les chapeaux, jamais de m'emoire d’homme on n’avait assist'e `a pareille danse `a l’Escurial de Abajo.
Le garde civil, qui portait le manteau de la ballerine, s’empressait, heureux et fier.