Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Qu'e bonita se~norita ! s’'ecria-t-il.
Mais la danseuse, d’un coup d’oeil le remerciait de sa galante exclamation :
— Qu'e bonito caballero, r'epondit-elle.
Et il n’'etait pas moins flatteur pour elle d’^etre trait'ee de jolie femme, qu’il n’'etait agr'eable pour le garde civil d’^etre qualifi'e de superbe cavalier.
Pourtant, de toutes parts, on redemandait une danse.
— Encore, encore, se~norita ! Par piti'e, dansez toujours !
L’'etrang`ere secouait la t^ete :
— Merci se~nores, fit-elle, mais je ne danse plus.
Elle avait repris sa mante, tranquillement elle s’en enveloppait, elle allait partir.
Or, comme l’inconnue se dirigeait vers la porte de la maison de danse, cependant que, galamment tous les assistants, en dignes Espagnols qu’ils 'etaient, se levaient pour la saluer, n’osant insister pour la faire danser encore, car on ne voudrait pas en Espagne importuner une femme, elle se tourna vers le garde civil `a qui elle avait confi'e quelques instants avant ses v^etements et posa sur son 'epaule une fine menotte.
— Se~nor, j’ai deux mots `a vous dire, vous pla^it-il de m’accompagner ?
Rayonnant, le visage 'epanoui, le garde civil, naturellement, s’empressait :
— Je suis se~norita, votre humble serviteur.
Dehors, car elle sortit imm'ediatement de la maison de danse, ils rencontr`erent peu de passants, il 'etait pr`es de huit heures du soir, on fl^anait devant les portes, respirant l’air frais du soir, mais paresseusement, chacun restait chez soi.
— Venez, avait dit l’inconnue.
Et elle avait entra^in'e le garde civil vers la campagne, dans la direction de l’Escorial de Hijo, ils faisaient quelques pas en silence, puis la ballerine interrogeait :
— Vous vous appelez, se~nor ?
— Pedro Marcia, je suis votre serviteur.
— Se~nor, j’ai besoin de vous.
— Se~norita, je vous appartiens.
— Vous saurez mon nom, se~nor, je me nomme la Recuerda.
— Ce sera le nom de celle que j’aime.
H'elas, le garde civil ne se doutait certes pas de la troublante et intrigante personne qu’'etait la Recuerda, – car c’'etait bien la Recuerda – qui, pour se venger de Fant^omas, se trouvait `a l’Escorial de Abajo.
— Se~nor, reprenait cependant l’extraordinaire et merveilleuse Espagnole, je retiens votre mot. Qui aime, ne compte point avec le danger. Se~nor, n’^etes-vous pas charg'e de garder les tombeaux des rois, n’appartenez-vous pas au service de garde de l’Escorial ?
— Cela est vrai, se~norita, mais pourquoi me demandez-vous ces choses ?
— Je suis marqu'ee, dit simplement la danseuse.
Et elle n’avait point besoin, en v'erit'e, d’expliquer davantage au garde civil ce qu’elle entendait par
— Vous ^etes marqu'ee ? ripostait le garde civil, se~norita, rien ne m’'etonne de vous, vous devez ^etre et vous serez parmi les plus heureuses, 'etant d'ej`a parmi les plus belles. Puis-je vous demander la rancon de votre marque ? Puis-je vous aider `a accomplir votre devoir ?
— Il se peut… Se~nor, ma marque dit qu’un jour ou l’autre quelque vaillant soldat m’aimera qui deviendra riche seigneur, cependant que moi-m^eme, heureuse et fi`ere, je mettrai ma main dans sa main et mon coeur dans son coeur. Se~nor, ma marque doit se r'ealiser si avant trois jours, – le terme m’est fix'e – je puis danser devant le cinqui`eme tombeau du cinqui`eme roi d’Espagne, sous les vo^utes m^emes de l’Escorial. Telle est ma marque.
— Telle est votre marque, se~norita ?
— Danserai-je devant le cinqui`eme tombeau ? interrogea brusquement la Recuerda.
Le garde civil venait de p^alir.
— C’est votre marque, se~norita, et votre marque est peut-^etre un peu la mienne, puisqu’elle dit qu’un vaillant soldat vous aimera, dit-il enfin, vous danserez, se~norita.
Il r'efl'echit quelques instants, puis lentement :
— Ce soir, `a onze heures, par la poterne qui se trouve `a l’angle de la quatri`eme tour.
***
`A onze heures pr'ecises, Pedro, le garde civil, gr^ace `a la complicit'e de deux camarades gagn'es `a sa cause, introduisait la Recuerda dans le Palais de l’Escurial.
— Se~norita, souffla-t-il tremblant, refermant sans faire de bruit la poterne qu’il avait entreb^aill'ee pour laisser entrer la jeune femme, je vous en supplie, ne parlez point et prenez garde que nul ne vous entende. Il faut que nous traversions tout le Palais, suivez-moi, je vous guiderai. Par la Madone, j’ai peur, mais je vous conduirai jusqu’au tombeau et vous accomplirez votre destin.
Il guida en effet la Recuerda le long des cours d'esertes et froides de l’Escurial. Adroitement, il lui fit 'eviter les patrouilles qui veillaient de toutes parts dans le gigantesque palais :
— Se~norita, r'ep'eta de temps `a autre le garde civil, prenez garde, ici nous traversons les cours o`u donnent les appartements des infants, certains habitent encore le palais.
— Don Eugenio est-il l`a ? interrogea la Recuerda.
— Je ne sais, se~norita, le connaissez-vous donc ?
— Qu’importe.
`A ce moment, Pedro marchait devant la Recuerda. Il 'etait dans l’encoignure sombre d’une 'etroite vo^ute de pierre. `A la r'eponse surprenante de sa compagne, le garde civil voulut se retourner, mais il n’eut point le temps d’effectuer ce mouvement. En une minute, avec une force surprenante de la part d’une femme, avec une habilet'e qu’elle tenait sans doute de son long s'ejour parmi les apaches parisiens, la Recuerda se jetait sur son guide. Et, quelques secondes apr`es, sans qu’il e^ut pu se d'efendre, sans qu’il e^ut os'e appeler `a l’aide, Pedro, le pauvre garde civil, 'etait 'etroitement ligot'e, b^aillonn'e ; la Recuerda le consid'erait avec un sourire amus'e.