Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Je vais ^etre pris, murmura Backefelder.
Il fit un brusque crochet, tourna devant le Bureau de Poste, se pr'ecipita encore par la rue Antoinette.
Il ne pouvait plus aller bien loin. Au moment o`u il arrivait `a la hauteur de la rue Dancourt, Backefelder suffoqua, pris d’un point de c^ot'e qui lui coupait le souffle. Le malheureux Am'ericain s’arr^eta. Force lui fut de s’appuyer contre la vitrine d’un 'epicier, de souffler un peu. Et, naturellement, en moins de quelques secondes, les agents et la foule arrivaient, vingt poings se tendirent `a la fois vers lui, on le saisit, on le bouscula, on l’assomma `a moiti'e.
Backefelder n’avait pas encore eu le temps de se reconna^itre, de protester de son innocence, que les agents, heureux et fiers d’avoir enfin appr'ehend'e quelqu’un, l’entra^inaient avec brutalit'e.
— Allez, au poste.
Ils marchaient par quatre, deux sur chaque c^ot'e de la rue, un homme devant, un homme derri`ere, et la foule, assoiff'ee de vengeance, supposant que Backefelder 'etait pour quelque chose dans le terrible drame qui venait de se d'erouler au pont Caulaincourt, s’acharnait sur lui, lui envoyant coups de poing apr`es coups de poing, coups de pied apr`es coups de pied.
On le brutalisa m^eme tellement que Backefelder arriva en tr`es piteux 'etat au poste, pourtant voisin, de la place Dancourt, `a c^ot'e du Th'e^atre Montmartre. Il saignait du nez, il 'etait 'ecorch'e, 'etourdi. Or, il avait `a peine fait son apparition dans la salle de garde, que les agents furieux, eux aussi, commenc`erent `a le soumettre `a un
Le malheureux Backefelder voulu r'esister, car on ne lui avait pas mis les menottes, et `a rendre horion pour horion, lorsque, par bonheur, le brigadier charg'e du service de la nuit, intervint. Ayant la responsabilit'e de ses hommes, et craignant avant tout les histoires, il n’aimait pas les « passages `a tabac ».
— Assez ! ordonna-t-il.
Et imm'ediatement, il se mit `a interroger Backefelder.
— Ah c`a, mon gaillard, d'eclara-t-il d’un air supr^emement m'eprisant, c’est vous qui vous amusez `a faire le fant^ome ? C’est vous qui assassinez les gens en sortant du cimeti`ere ? Bon. Votre affaire est claire. D’abord, pourquoi n’avez-vous pas d’oreilles ?
Cette remarque suscita un nouveau toll'e, de nouveaux hurlements dans le poste.
— Il n’a pas d’oreilles ! criaient les agents. Ah si c’est pas honteux !
— Il n’a pas d’oreilles, d'eclara un vague journaliste entr'e dans la salle de garde `a la faveur du tumulte. Parbleu, voil`a bien la preuve que c’est lui le fant^ome.
Le jeune homme qui venait de parler e^ut peut-^etre 'et'e tr`es embarrass'e d’expliquer pourquoi le fait de n’avoir point d’oreilles prouvait que Backefelder 'etait un spectre, mais la remarque, si stupide fut-elle, plaisait aux braves gardiens de la paix. Nulle voix ne s’'elevait pour d'efendre Backefelder. L’Am'ericain, pourtant, avait repris haleine et commencait `a se remettre :
— Mais, nom d’un chien, cria-t-il `a son tour, sortant brusquement de son mutisme, je n’ai pas d’oreilles parce que ca me pla^it, et ca ne regarde personne. D’abord je ne suis pas un fant^ome. Je suis un innocent. Je n’ai rien fait. Et quand vous m’avez arr^et'e, je me rendais `a la Pr'efecture de Police pour donner des renseignements. Pour sauver l’inspecteur Juve, qui se trouve en grand danger.
— Alors, pourquoi vous ^etes-vous sauv'e ?
— Parce que j’ai eu peur, comme les autres, du fant^ome du pont Caulaincourt.
Une explication confuse d’abord, plus pr'ecise ensuite, compl'eta la d'efense de Backefelder. Le malheureux milliardaire expliquait en d'etail comment il s’'etait 'evad'e du Ch^ateau Noir, gr^ace `a l’aide de Juve, comment il 'etait rentr'e `a Paris, comment encore il avait cherch'e Fant^omas qu’il croyait `a Paris, d’apr`es les indications de la Recuerda, comment, ne l’ayant pas trouv'e, au moment m^eme o`u on l’arr^etait, lui, Backefelder, sur le pont Caulaincourt, il d'ecidait pour en finir, de se rendre `a la Pr'efecture.
Backefelder, pour mieux convaincre les agents, tira de sa poche toute une s'erie de documents, de pi`eces d’identit'e, se d'emena si bien qu’en fin de compte, perplexe, le brigadier du poste de police, `a demi convaincu par ses dires, s’offrit `a l’accompagner `a la Pr'efecture de Police.
— Si Juve est en danger, d'eclara gravement le brigadier, il faut aller tout de suite `a son secours.
***
Deux heures plus tard, en effet, Backefelder, apr`es avoir longuement entretenu M. Havard, montait dans une superbe automobile en compagnie de L'eon et de Michel, `a destination de Chevreuse.
— Sauvez Juve, avait dit M. Havard.
— Soyez tranquille, chef, on le sauvera.
La petite exp'edition de secours, confi'ee par M. Havard `a Backefelder, qui devait servir de guide, et `a Michel, qui devait prendre l’initiative des op'erations, comportait encore six agents. On allait en force au Ch^ateau Noir et certes, il semblait bien, d`es lors, que Juve allait ^etre sauv'e.
Or, comme au petit matin l’automobile stoppait devant la myst'erieuse propri'et'e, Backefelder multipliait les pr'ecautions. Il exigeait imp'erieusement, instruit de la n'ecessit'e des choses par l’aventure de Juve, que lui-m^eme et les six agents s’attachassent entre eux, au moyen d’une longue corde, `a l’exemple des alpinistes.
— Il y a des pi`eges partout, criait-il, il ne faut pas que l’un de nous tombe. Il faut que nous puissions passer et passer vite. Je crois qu’une fois `a l’int'erieur du ch^ateau, nous ne courrons pas grand risque, tandis que tant que nous serons dans le parc, nous risquons de tomber dans un pr'ecipice.
On avanca en silence. Avec pr'ecaution. Mais le plus rapidement possible. Il y eut des chutes nombreuses dans les trappes multipli'ees tout autour du Ch^ateau Noir pour en d'efendre l’approche, mais gr^ace `a la corde de Backefelder, sans cons'equence.