Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— C’est curieux, il 'etait pourtant entendu avec Backefelder qu’on se retrouverait chez lui cette nuit. Comment se fait-il qu’il ne soit pas encore arriv'e ?
La jeune femme revint dans le salon, s’installa sur un canap'e, puis, ouvrant son r'eticule, elle en retira le portefeuille qu’elle avait, une demi-heure auparavant si audacieusement extrait de la poche du banquier Stolberg. Un 'eclair de cupidit'e et de satisfaction illumina son regard. D’une main fi'evreuse, la jeune femme feuilleta la liasse de billets de banque qui se trouvait dans ce portefeuille.
— Treize, quatorze, quinze, fit-elle, quinze mille francs, une v'eritable fortune.
Elle se leva, un large sourire d'ecouvrit ses dents blanches :
— Je suis riche, maintenant, dit-elle et j’ai de quoi agir, de quoi nous venger.
Puis son front se rembrunissait :
— Mon Dieu ! murmurait-elle, si l’honn^ete homme qu’est Backefelder se doutait un seul instant de la source de cet argent, il serait fou, d'esesp'er'e.
Mais la Recuerda eut un geste de volont'e farouche :
— Peu importe. D’ailleurs, il ne le saura pas. L’essentiel, pour l’instant, c’est que nous puissions nous venger de Fant^omas.
La jeune femme vint se rasseoir pr`es d’un petit gu'eridon encombr'e. Et cependant qu’elle avisait un indicateur de chemin de fer, elle poursuivit, pensive :
— C’est 'egal, ma victime, je la plains. C’'etait vraiment un homme tr`es bien. Quelle distinction, quel chic ! J’ai 'et'e bien incons'equente en lui donnant ma bague, comme pour le d'edommager du vol dont il 'etait l’objet. Cela pourrait me faire du tort. Bah, tant pis, je ne regrette pas ce joli geste. Au surplus, demain, entre la police francaise et moi, il y aura la fronti`ere.
La Recuerda 'etudiait l’indicateur.
— Onze heures, d'epart du Sud-Express `a la gare d’Orsay. C’est parfait. Apr`es-demain, nous serons `a Madrid. Mais que fait donc Backefelder ?
La Recuerda s’approcha d’une pendule, constata qu’il 'etait d'ej`a pr`es de trois heures du matin.
— C’est extraordinaire, fit-elle, qu’il ne soit pas rentr'e.
Elle eut devant la glace dans laquelle elle se contemplait, sans y penser, un sourire 'enigmatique :
— Backefelder aurait-il peur ? Son absence est de plus en plus incompr'ehensible, et ne saurait s’expliquer que par ce vil sentiment.
La Recuerda haussa les 'epaules, puis, nettement, prof'era, la main 'etendue, comme si elle faisait un serment :
— Tant pis. Si Backefelder n’ose pas m’accompagner, eh bien, j’irai toute seule. C’est ma vengeance `a moi que je veux, ce n’est pas pour rien que je suis espagnole.
***
— Venez, avait dit le baron Stolberg au juge d’instruction.
Et il l’avait entra^in'e hors de la Maison d’Or. Dupont de l’Aube les suivait, mais prit cong'e d’eux aussit^ot.
— J’en ai assez, d'eclarait le s'enateur, de cette petite f^ete, et je rentre me coucher. Au surplus, je suis `a cinq minutes de marche de chez moi.
Stolberg n’insista pas. Quant `a Mourier, il 'etait bien trop abasourdi pour avoir une opinion. Son compagnon s’efforcait de le remonter :
— Allons, Mourier, secouez-vous ! Plaie d’argent n’est pas mortelle. Il faut au contraire oublier, nous distraire ! Tenez, vous n’avez certainement pas plus envie de vous distraire que moi. Je vous invite `a faire la bombe `a Montmartre.
Abasourdi, Mourier d'evisagea le banquier.
— Vous ^etes extraordinaire, fit-il, vous oubliez que nous n’avons plus le sou.
Stolberg partait d’un grand 'eclat de rire.
— Et voil`a qui n’a pas d’importance. Mon m'ecanicien, qui m’attend avec mon automobile et qui est un homme tr`es s'erieux, a certainement dans sa poche quelques louis qu’il me pr^etera volontiers. Ne trouvez-vous pas que ce fait d’emprunter de l’argent `a un subordonn'e est d’une 'el'egance parisienne raffin'ee ?
Mourier n’eut pas le temps de discuter avec ce diable d’homme qu’'etait Stolberg, dont les propositions 'etaient presque des ordres et, quelques instants apr`es, l’automobile du baron d’Odessa d'eposait Stolberg et Mourier `a la place Blanche, `a l’entr'ee de la Bo^ite `a Joseph.
Les deux hommes y p'en'etraient `a peine, qu’une clameur bienveillante et enthousiaste 'eclatait :
— Voil`a des rescap'es, s’'ecriait-on.
Ils 'etaient amus'es, surpris et reconnaissaient, parmi les f^etards d'ej`a attabl'es chez Joseph, quelques-unes des personnes qui, comme eux, avaient 'et'e d'epouill'ees de leur argent et de leurs bijoux `a la Maison d’Or.
Ceux-ci les avaient pr'ec'ed'es, avaient racont'e l’aventure, que d'esormais on se transmettait de bouche en bouche dans les 'etablissements de nuit de Paris. Quelqu’un avait cri'e :
— Joseph fait cr'edit ce soir `a tous ceux qui sont fauch'es !
Et on acclamait le patron.
Cependant, Stolberg et Mourier 'etaient l’objet des questions les plus pressantes de la part d’une foule de gens qui n’avaient pas 'et'e, comme eux, victimes de l’agression de la Maison d’Or. On discutait avec eux, on d'eplorait la t'em'erit'e accrue des bandits, l’audace croissante des malfaiteurs. La conversation 'etait devenue g'en'erale dans la salle de restaurant, et les libations aidant, une familiarit'e charmante se cr'eait de table `a table, de voisin `a voisin.
Quelqu’un avait avanc'e :
— Mais cette aventure-l`a, c’est du Fant^omas tout pur.
Et l’auditoire approuvait, hochait la t^ete, puis, insensiblement, on en vint `a rappeler les derniers exploits connus du bandit, les plus r'ecentes aventures attribu'ees au Ma^itre du Crime.
Puis, il se trouvait de nombreuses personnes pour parler du spectre du pont Caulaincourt. Stolberg, ironiquement, se penchait `a l’oreille de Mourier :
— C’est votre affaire, cette histoire-l`a, mon cher ami.