Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Vous ne vous doutez pas, disait Dupont de l’Aube, en d'esignant discr`etement au baron Stolberg sa voisine Delphine Fargeaux, de l’identit'e de cette petite femme.
— J’ai remarqu'e, interrompit le juge, qu’elle vous regardait beaucoup tous les deux.
— Je vais vous dire qui c’est, fit Dupont de l’Aube.
Et le s'enateur contait `a ses amis l’'etrange facon dont, quelques jours auparavant, il avait fait la connaissance de cette femme qui lui semblait ^etre une simple petite demi-mondaine et qui, dans la journ'ee, 'etait en r'ealit'e employ'ee aux Pompes fun`ebres.
— Extraordinaire ! murmurait Mourier.
Depuis quelques instants, un 'eclat de rire g'en'eral et des exclamations ironiques avaient salu'e l’entr'ee au restaurant d’un personnage caricatural porteur d’un grand panier de fleurs. C’'etait Bouzille qui, gr^ace `a ses fac'eties et malgr'e sa tournure mis'ereuse, avait acquis le droit de venir exercer son commerce dans les restaurants les plus chics de Paris.
Le baron Stolberg le chargea d’une commission :
— Tu vas porter ces roses, mon brave homme, disait-il, `a cette dame brune que tu vois l`a-bas.
— Compris, fit Bouzille, qui empocha dix francs.
Stolberg venait de l’envoyer `a une jolie femme qu’il n’avait pas quitt'ee des yeux depuis son entr'ee et qui paraissait faire sur lui une excellente impression : la Recuerda.
Cependant, Dupont de l’Aube, tr`es en verve ce soir-l`a, faisait le proc`es pittoresque de toute la client`ele du restaurant. Il disait `a Mourier :
— Mon cher, `a notre 'epoque, les 'el'egances se perdent, le bon ton, le bon go^ut ne sont plus de mise. Avez-vous entendu ce grand imb'ecile parler au ma^itre d’h^otel ?
— Non, fit Mourier, qu’a-t-il dit ?
Dupont de l’Aube r'ep'etait les propos tenus par le soupeur, qu’il 'etait `a cent lieues de prendre pour un apache :
— Eh bien, figurez-vous, Mourier, que, tout `a l’heure, il appelait le garcon monsieur, et voil`a maintenant qu’il le traite de cher ami. Je ne suis pas snob, mais cependant j’avoue que ces individus, car il n’y a pas d’autres noms `a leur donner…
Dupont de l’Aube s’arr^eta net. Un cri venait d’^etre pouss'e, un ordre venait d’^etre prof'er'e, 'energique, familier cependant. On avait entendu :
— Hands up !
Et pour ceux qui ne comprenaient pas, la m^eme voix avait poursuivi :
— Levez les mains ! Que personne ne bouge !
Cependant que le personnel du restaurant, que les soupeurs demeuraient immobiles, interdits, une femme se dressait au milieu de la salle et, en m^eme temps, de toutes parts, des poches de nombreux soupeurs sortaient des revolvers qui se braquaient sur leurs voisins.
Avec stupeur, on vit la personne qui avait donn'e les premi`eres instructions. C’'etait une femme 'el'egante, distingu'ee, tr`es bien v^etue, la jolie femme brune `a laquelle quelques instants auparavant le baron Stolberg avait envoy'e des roses.
Elle s’'etait avanc'ee au milieu de la salle, 'evoluant parmi les messieurs et les dames venus faire la f^ete, tenus en respect, immobilis'es par la menace que dirigeaient contre eux d’autres soupeurs, arm'es de revolvers.
Delphine Fargeaux, terrifi'ee, s’'etait pelotonn'ee dans les bras du courtier Coquard dont la face sanguine 'etait devenue p^ale.
Quelques hommes, cependant, s’'etaient lev'es. Deux d’entre eux, Beaum^ome et B'eb'e, s’approchaient des soupeuses et, avec des gestes brefs, 'energiques, les obligeaient `a se d'epouiller de leurs bijoux. La Chol'era menacait du regard les hommes. Elle 'etait arm'ee, elle aussi, et cependant que les soupeurs tenaient les bras en l’air, elle fouillait leurs poches et les d'epouillait de leurs porte-monnaie.
Cela durait depuis quelques instants et la stupeur 'etait si grande que nul ne songeait `a protester. Chacun se rendait compte qu’au premier geste, il serait victime d’une agression et que, d`es lors, les bandits qui, assur'ement ne reculeraient devant rien, se serviraient de leurs revolvers.
Dupont de l’Aube, furieux, murmurait des injures, cependant que Mourier, balbutiait :
— Quel scandale, mon Dieu, quel scandale !
Le baron Stolberg gardait une physionomie impassible et souriante.
Il fixa dans les yeux la Recuerda qui s’approchait de lui. Ironiquement, il la consid'era ; d’une voix imperceptible, il murmura :
— C’est bien fait, ce coup-l`a. Bravo !
La voleuse s’attendait si peu `a ce commentaire, qu’elle s’arr^eta interdite une seconde, et il sembla qu’elle rougissait.
Mais l’Espagnole reprit soudain sa farouche pr'esence d’esprit et, sans vergogne, elle plongea sa main gant'ee dans la poche int'erieure de l’habit de Stolberg, elle en tira un portefeuille qu’elle fourra dans son r'eticule.
D'edaigneusement hautain, au moment o`u la Recuerda s’'ecartait, Stolberg prof'era :
— Il me reste encore quelques gros sous dans la poche de mon gilet.
La Recuerda serra les dents. Se moquait-il d’elle, cet homme ? et sa main se crispa sur la crosse du revolver.
Mais le baron Stolberg ne baissait point les yeux et ce fut la Recuerda qui s’'emut :
— Il me pla^it, pensa-t-elle, il est cr^ane.
Puis, cependant qu’elle s’appr^etait `a partir, elle revint vers le baron et, d’un geste spontan'e, arrachant une bague de l’un de ses doigts elle la passa `a l’annulaire de sa victime.
— Gardez-la, dit-elle, vous vous souviendrez de moi.
— Oh, il est bien 'evident que je ne vous oublierai pas.
Mais le banquier d’Odessa en fut pour son ironique remarque. `A l’entr'ee de la salle, les bandits que l’on pouvait identifier, car ils avaient tous quitt'e leurs tables, s’'etaient group'es, puis, d'esormais, ils sortaient un `a un, `a reculons, tenant toujours les soupeurs d'epouill'es en respect sous la menace de leurs revolvers.
La derni`ere, la Recuerda sortit.