Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Je l’ai souvent vu…
— Son signalement ?
Le policeman parut faire un effort extraordinaire pour r'efl'echir, il r'epondit enfin :
— Il y a, monsieur, en v'erit'e, plus de huit mois que j’ai charge de cet ^ilot, et je connais tous les habitants…
— Le docteur Garrick seul m’int'eresse…
— C’est, monsieur, un homme de quarante-cinq `a cinquante ans, tr`es brun. Il porte les favoris et la moustache. Ses cheveux sont longs et boucl'es…
— Bien !… riche ?
— Il est dentiste.
— Beaucoup de clients ?
— Non, il exerce `a son id'ee, presque en amateur…
— C’est bien… Nous avons assez caus'e. Vous ^etes de garde jusqu’`a quelle heure ?
— Jusqu’`a midi, monsieur.
— En ce cas je vous reverrai sans doute… vous savez mon nom ? Non ? Le voici, j’aurai peut-^etre `a vous faire porter un billet… D'etective Shepard…
Cette fois le policier n’en croyait plus ses oreilles ! Quoi ! ce mendiant, c’'etait le c'el`ebre Shepard ? membre du Grand Conseil des Cinq !…
Mais d'ej`a Shepard reprenait la parole :
— Je suis sur une piste int'eressante… Mais ceci ne vous regarde pas… Dites-moi qu’elle est la plus grande 'epicerie du quartier ?
— La prochaine, au coin de la rue…
— C’est bien… `a tout `a l’heure…
— Je vous souhaite le bonjour…
L’extraordinaire mendiant, quelques secondes plus tard, p'en'etrait dans la boutique d’'epicerie qu’on venait de lui indiquer et y commandait – sortant des pences de sa poche pour inspirer confiance, car sur sa mine, les garcons l’eussent peut-^etre chass'e – une s'erie de petits paquets d’'epices concass'ees, demandant un certain temps de pr'eparation.
Dans l’'epicerie, correcte, des cuisini`eres et des ma^itres d’h^otels causaient…
— Et cela va chez vous, John ? s’informait une petite brunette…
— Ni bien, ni mal, miss Betsy ! Hier, sur la Tamise, notre bateau a chavir'e, et cela m’a fait ce matin bien des habits `a brosser…
— Oh, John… vous vous plaignez toujours…
— Non pas, miss Betsy, mais je regrette que mes jeunes ma^itres soient de si forts canotiers… en v'erit'e, je les aimerais mieux faisant du football ou du cricket.
Une grosse cuisini`ere intervint :
— Dieux gracieux, s’'ecria-t-elle, vous ne savez pas ce que vous dites, John, les footballeurs se blessent chaque dimanche, et chez nous, par exemple, il y a tout le temps des cataplasmes `a pr'eparer, des soins `a donner. On n’en finit plus.
Un autre valet surench'erit :
— C’est la pure v'erit'e. Toutes les places o`u il y a de jeunes messieurs sont des places d'esagr'eables…
Mais les domestiques s’interrompirent d’un commun accord, une cuisini`ere venait d’entrer dans l’'epicerie, et son arriv'ee avait provoqu'e un mouvement de curiosit'e.
— By Jove, mais c’est vous, miss Editha ?…
— Moi-m^eme, John.
— Et quelles nouvelles ?
— Aucune, John.
Sur quoi, un grand silence terrifi'e. Miss Mary hasarda :
— S^ur comme le vrai jour,
Et le choeur des gens de maison qui se trouvaient dans la boutique r'ep'eta :
— Oui, oui, « il » l’a tu'ee…
Le mendiant se rapprocha :
— Allons, fit-il, se m^elant `a la conversation g'en'erale… pourquoi voulez-vous qu’il l’ait tu'ee ?…
`A cette simple question, r'epondit l’hilarit'e g'en'erale. John, orateur de l’assembl'ee, prit la parole :
— Parbleu, mon brave homme, vous n’^etes certainement pas du voisinage, pour poser une telle question. Pourquoi le docteur Garrick a tu'e Mistress Garrick ? mais pour aller vivre tranquillement avec sa bonne amie…
— Il a donc une ma^itresse ?
— Vous n’^etes donc pas du quartier, mon ami ?
— Non, non, dit le mendiant, mais j’ai entendu parler de cette affaire.
— Bien mal, alors…
— Peuh, c’est possible… et puis cela me semble si extraordinaire ce que l’on raconte ?…
On faisait cercle, maintenant, autour du d'etective. Et si l’on ne riait plus, on s’entre-regardait stup'efait de l’incr'edulit'e du bonhomme…
Un grand garcon p'en'etrait, la figure souriante, dans l’'epicerie. John le h'ela :
— Hello, Sammy, venez un peu, mon garcon, il y a l`a un gentleman qui n’est pas du quartier et qui ne croit pas que le docteur Garrick a tu'e M meGarrick.
Sammy, le nouveau venu, qui s’'etait arr^et'e `a l’apostrophe de son camarade, s’administra, en signe de profonde stup'efaction, deux vigoureuses claques sur les cuisses.
— Vraiment ? fit-il, et pourquoi le gentleman ne croit-il pas `a ce que nous savons tous ?
Le faux mendiant, qui gardait le visage souriant et l’air bonhomme, se contenta de hausser les 'epaules :
— Je ne crois pas, r'epondit-il, vous allez vite en besogne… je n’ai pas dit ca, j’ai dit : c’est douteux… et voil`a tout. D’abord, qu’est-ce que vous croyez vous tous ?…
Du geste, Sammy invita John au silence. Il pr'ecisa :
— Ce que nous croyons, garcon ? tenez, voil`a : c’est que le docteur Garrick est un vilain merle, un bourru, d'esagr'eable, avare, qui n’est jamais chez lui, qui a de l’argent et qui ne le d'epense pas. Il ne travaille pas. Personne ne sait seulement o`u il va `a l’'eglise.
— Cela ne prouve pas qu’il a tu'e sa femme ?…
— Si, vraiment… Miss Editha, vous en dirait bien quelque chose… Est-ce vrai, Miss Editha ?