Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Ce qu’il y a de plus vrai, Sammy…
— Vous le voyez bien, garcon ?… donc cet homme bourru est le l'egitime 'epoux de la plus jolie femme de tout Putney…
— M meGarrick est si jolie ?
— Mieux que jolie ! grande, blonde, gaie, enjou'ee, g'en'ereuse, enfin charmante… le vrai mariage d’un ours et d’une colombe…
Et comme la comparaison faisait rire la compagnie, Sammy, enchant'e de son effet, poursuivit :
— Donc, il n’est pas 'etonnant que l’ours ait assassin'e la colombe… D’ailleurs, en v'erit'e, je vous l’affirme, mais Editha nous l’a assez souvent dit, ce n’'etait pas un m'enage uni…
— C’est vrai, dit Miss Editha, pauvre M meGarrick… Elle n’'etait pas heureuse avec monsieur…
Le mendiant n’avait pas l’air convaincu pour autant.
— Tout cela, je le veux bien, dit-il, c’est la pure v'erit'e, mais je soutiens toujours que rien ne prouve, comme on le dit dans le quartier, comme vous l’affirmez du moins, que le docteur Garrick ait tu'e sa femme…
C’est encore Sammy qui r'epondit :
— Si donc… et d’abord, que voulez-vous qu’elle soit devenue, M meGarrick ? puisque depuis sept `a huit jours elle a totalement disparu…
— Elle est peut-^etre en voyage ?
— Mais non, miss Editha n’a pas fait de malles…
— Elle a pu n’emporter qu’une valise…
— Mais si elle 'etait en voyage, garcon, elle aurait dit adieu `a ses amis ?… or, personne n’a 'et'e pr'evenu de son d'epart…
— M meGarrick a pu partir `a l’improviste…
— Nous l’avons tous cru, mais elle aurait 'ecrit au docteur…
— Et vous ^etes s^ur qu’elle n’a pas 'ecrit ?…
— J’en suis certaine, affirma Editha, je lis les lettres de Monsieur, ainsi…
Le faux mendiant, qui faisait si habilement causer les domestiques de Putney, parut h'esiter quelques instants, puis il reprit :
— Vous direz tout ce que vous voudrez, mais rien de tout cela n’est grave, en somme. Vous accusez le docteur Garrick d’avoir tu'e sa femme, tout simplement parce que celle-ci, depuis huit jours, a disparu de sa maison. Si vraiment le docteur Garrick 'etait un assassin quelconque, il ne serait pas rest'e `a Putney… il se serait enfui… et…
Miss Editha lui coupa la parole :
— Eh, justement, depuis la disparition de Madame, le docteur n’est plus jamais l`a. Il est vrai qu’il est peut-^etre chez sa ma^itresse, et avec son enfant… Ah, c’est un vilain homme, bon, allez, un homme qui, j’en mettrais ma main au feu, a d^u tuer sa pauvre malheureuse femme…
Dans la boutique, o`u d’autres clients se faisaient servir, indiff'erents, tous les domestiques approuv`erent.
***
— Hop, policeman…
— Monsieur ?…
— Que disiez-vous, tout `a l’heure sur le docteur Garrick ?… vous connaissez les bavardages du quartier ?
— Oui, monsieur…
— Et vous y ajoutez foi ?
Le policeman hocha la t^ete, regarda le faux mendiant d’un air craintif.
C’est que Shepard, membre du Conseil des Cinq – l’un des plus c'el`ebres et des plus grands d'etectives d’Angleterre – paraissait de fort m'echante humeur…
On accusait partout le docteur Garrick d’avoir tu'e sa femme…
Cela c’'etait indiscutable…
D’autre part, le coroner, l’avant-veille, avait paru `a la fois intrigu'e et troubl'e en apprenant les premiers d'etails de cette affaire, et il avait donn'e ordre de commencer l’enqu^ete.
Pourtant, Shepard se demandait s’il devait poursuivre ou arr^eter ses recherches.
Le policeman, apr`es avoir m^urement r'efl'echi, se d'ecidait `a r'epondre :
— Oui, monsieur, je ne serais pas 'eloign'e de croire que le docteur Garrick a pu… a pu…
Et pr^et `a accuser nettement, le policeman, une fois encore h'esita :
— A pu tuer sa femme ? r'ep'eta Shepard.
— Oui…
— Hum… hum…
— Vous savez que Garrick a une ma^itresse ?
— Je l’ai entendu dire, monsieur…
— Vous savez o`u habite cette femme ?
— Non, je ne le sais pas…
— C’est bien. Je vous remercie.
Abandonnant `a nouveau le policeman aux loisirs de sa faction, Shepard descendit, `a grands pas Elsted Street… Il marcha cinq minutes, puis rejoignit au long du trottoir un fiacre d’apparence v'etuste. `A l’encontre de la g'en'eralit'e des voitures publiques, ce n’'etait point d’ailleurs un cab, mais un four-wheelers, c’est-`a-dire une voiture `a quatre roues, semblable aux fiacres parisiens.
D’un bref coup de sifflet, Shepard r'eveilla le cocher v^etu d’une redingote noire, au col irr'eprochable, mais coiff'e d’une casquette de jockey.
L’homme ralluma sa pipe, leva les r^enes, attendant les ordres :
— Conduisez-moi au poste des Messagers le plus proche…
— Bien, monsieur.
`A peine remont'e en voiture, le faux mendiant baissa les stores des porti`eres, et le plus tranquillement du monde, enleva sa veste, quitta son pantalon, remplacant ces v^etements par d’autres qu’il prenait dans une petite valise et qui le transformaient, lui tout `a l’heure pauvre h`ere, en gentleman.
Shepard finissait tout juste de reprendre son aspect habituel, que le fiacre s’arr^eta devant la porte d’une boutique de messagers…
C’'etait l`a l’un des bureaux o`u les habitants de Putney pouvaient le plus facilement trouver ces petits commissionnaires qui sont charg'es, moyennant une r'etribution modique, d’effectuer des d'emarches, de porter des lettres, de livrer des paquets…
Shepard traversa le bureau, et glissant deux mots `a l’oreille d’un employ'e, se fit introduire dans le cabinet particulier du directeur de l’agence qui d’un l'eger signe de t^ete l’accueillit :