Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
Шрифт:
Le d'etective se pr'esenta :
— Shepard, du Conseil des Cinq, de Scotland Yard…. C’est bien `a M. Wooland Junior que j’ai l’honneur de parler ?
— `A lui-m^eme, monsieur.
— Vous avez parmi vos clients un certain docteur Garrick ?
— Oui, monsieur.
— Voulez-vous me dire l’adresse exacte de sa ma^itresse, `a laquelle il devait faire porter souvent, si je suis bien inform'e, des lettres et des paquets ?
M. Wooland fit oui de la t^ete.
— Le nom de cette personne ? demanda-t-il…
— Francoise Lemercier.
— Veuillez attendre…
M. Wooland quitta son cabinet, et revint quelques instants apr`es, ayant v'erifi'e ses livres :
— Miss Francoise Lemercier, dit-il, demeure 7, Jewin Street…
— Le quartier de la Banque ?
— Justement.
— Je vous remercie, monsieur…
***
— Madame Francoise Lemercier ?
Le d'etective Shepard, r'esolu `a faire son devoir jusqu’au bout, s’'etait d'ecid'e en quittant le policeman de Putney, `a aller rendre visite `a la ma^itresse du docteur Garrick…
`A coup s^ur, s’il pouvait joindre cette femme, il en tirerait des renseignements int'eressants…
Et apr`es avoir pris l’adresse de cette Francoise Lemercier au bureau des messagers, il s’'etait fait conduire pr`es de la Banque.
Les maisons anglaises comportent rarement des concierges ainsi qu’il en existe `a Paris. Toutefois, le plus souvent, les immeubles sont `a la garde d’un quelconque employ'e, habitant souvent au troisi`eme, au quatri`eme 'etage, dont la fonction consiste surtout `a encaisser le loyer.
C’'etait `a l’un de ces gardiens que Shepard s’adressa…
Il l’avait d'enich'e apr`es une courte enqu^ete aupr`es des boutiquiers, dans une chambre du sixi`eme 'etage… Mais le brave gardien semblait stup'efi'e…
— Vous demandez ?
— Je demande Francoise Lemercier… Une jeune femme qui a un petit enfant d’un an, un an et demi, appel'e Daniel…
— Oh, je connais, je connais, dit-il…, mais vous arrivez trop tard, monsieur, cette jeune femme est partie hier…
— Partie ? o`u cela ?
— Je l’ignore… elle est partie sans crier gare, et `a la suite d’une assez curieuse aventure…
Shepard, pour le coup, dressa l’oreille : on lui parlait d’une aventure, cela promettait d’^etre int'eressant :
— `A quoi faites-vous allusion ? demanda-t-il…
Et, comme le gardien ne semblait pas dispos'e `a r'epondre, il insista, montrant sa carte :
— Parlez, mon ami, je suis de la police…
Le gardien, du coup, devint loquace…
— Eh bien, monsieur, expliqua-t-il, M meFrancoise Lemercier qui est, comme vous devez le savoir, une chanteuse, est partie subitement pour courir apr`es son enfant qui, disait-elle, lui avait 'et'e vol'e…
— Le petit Daniel ?
— Oui, monsieur, le petit Daniel, un soir, en revenant de faire des commissions, elle ne l’a plus retrouv'e.
— Dites-moi, elle avait un ami, cette jeune femme ? un monsieur qui devait venir la voir assez souvent ? s’est-il pr'esent'e ici depuis son d'epart ?
— Oui, oui, faisait-il, elle avait un ami… Il avait les cl'es de son appartement. Il est venu en effet depuis le d'epart. Il est mont'e `a l’appartement, il en est redescendu quelques minutes apr`es, l’air furieux…
— Et il n’est pas revenu depuis ?
— Non monsieur.
***
Une heure plus tard, Shepard remontait en voiture, non plus Jewin Street, mais bien Elsted Street, devant la maison du docteur Garrick, o`u il venait vainement de carillonner : miss Editha devait ^etre sortie.
Et jetant l’adresse de Scotland Yard `a son cocher, Shepard songea :
— Bigre, cela devient bizarre, grave, inqui'etant m^eme ! D’une part le bruit public accuse nettement Garrick d’avoir tu'e sa femme… d’autre part il est constant que M meGarrick a bel et bien disparu… et puis que veut dire le subit d'epart de cette Francoise Lemercier, l’histoire de l’enfant envol'e, et tout cela qui co"incide avec l’absence du docteur Garrick que la femme de chambre n’a pas revu depuis cinq jours ?… sapristi de sapristi… L’affaire se pr'esente de cette facon : un homme mari'e a une ma^itresse et veut vivre avec elle. Cette ma^itresse a un enfant, l’enfant dispara^it, l’'epouse l'egitime dispara^it, les deux amants sont en fuite… hum… en tout cas je vais bien voir ce que dira le coroner.
5 – LE D'EPART DU
Ce matin-l`a, lundi 26 avril, `a l’heure du flot, les lourdes portes de l’'ecluse du Princess Dock, `a Liverpool, s’'etaient lentement ouvertes, grincant sur leurs gonds gigantesques.
L’'ecluse avait donn'e passage `a un petit remorqueur qui portait `a sa chemin'ee noire l’'etoile blanche de l’ American White Star Company.
Vomissant des torrents de fum'ee sombre, le remorqueur, lanc'e `a toute allure et dont l’h'elice se vissait avec 'energie dans les flots opaques, d'ecrivit une large courbe en sortant du bassin.
Ce n’'etait qu’un grand navire qui sortait et ce spectacle 'etait trop fr'equent pour qu’on y pr^et^at attention.
Le navire qui sortait du Princess Dock n’appartenait pas `a la cat'egorie des transatlantiques de luxe.
R'eput'e solide, sinon fin marcheur, le Victoriaassurait, depuis des ann'ees, le service Liverpool-Montr'eal.
Le Victoriamettait d’ordinaire de neuf `a onze jours pour effectuer ce trajet. Il prenait non seulement des passagers `a des conditions fort avantageuses, vu la lenteur relative du voyage, mais aussi – et c’'etait cela le plus productif pour la Compagnie, qui en 'etait propri'etaire – des marchandises dites « de service acc'el'er'e »…