Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Officier, r'epondit-il enfin, j’attendais qu’il passe quelqu’un que je connais. Mais ce damn'e garcon a d^u trop boire de whisky hier, et je le suppose en retard. Oui, vraiment. Ce qui fait que je vais m’en aller…
Et tandis qu’il s’'eloignait, le policeman, flegmatiquement, suivait des yeux le pauvre bougre.
— Je n’aime pas, pensait le digne policeman, que de pareils individus se reposent ici.
Et toujours digne, l’air s'ev`ere, le maintien imposant, le policeman reprit sa promenade, marchant soigneusement au centre de la rue o`u les voitures, avec une r'egularit'e admirable, un respect de l’ordre extraordinaire, tenaient rigoureusement leur gauche…
***
Cette courte sc`ene se passait `a Putney, dans un des quartiers les plus luxueux de Londres, l’un de ceux o`u se trouvent les plus somptueux petits h^otels habit'es par les riches commercants de la Cit'e qui, chaque soir les heures de travail termin'ees, les affaires achev'ees, reviennent `a grand renfort d’
C’'etait lundi matin. Apr`es le triste dimanche anglais, Londres se ranimait, reprenait son va-et-vient accoutum'e, un va-et-vient d’aspect bizarre, tr`es affair'e, certes, un va-et-vient de gens press'es, un va-et-vient de gens silencieux. C’'etait partout la rumeur des choses en mouvement, des roues de voitures qui sautent sur le pav'e et des pas qui mart`elent les trottoirs, mais aucune exclamation, aucun rire, aucune parole.
Tous ceux qui suivaient Elsted Street se rendaient 'evidemment quelque part, et trouvaient naturel de ne pas penser – en quelque sorte, de ne point vivre – jusqu’`a ce qu’ils y fussent arriv'es.
Par exception d’ailleurs, il faisait ce matin-l`a un clair soleil de printemps. Huit heures venaient de sonner. `A chaque villa, les jalousies s’ouvraient sur les bow-windows, les gens de service commencaient `a faire le m'enage, petites bonnes blondes bien proprettes, coiff'ees de bonnets 'el'egants, portant des tabliers `a bavette, comme les plus coquettes femmes de chambre de France, valets, roux, graves, dignes, froids, effectuant avec un s'erieux comique les besognes les plus ordinaires, frottant une vitre avec des airs de Vinci en train de peindre la Joconde.
Putney s’'eveillait. Putney faisait toilette.
Apr`es le repos du dimanche, le quartier redevenait ce qu’il 'etait habituellement, bourgeois, cossu, riche aussi. Un quartier privil'egi'e, en v'erit'e, o`u les pourboires 'etaient nombreux, o`u l’usage 'etait que chaque propri'etaire de villa donn^at lui-m^eme, chaque semaine, quelques pences aux petits ramasseurs de crottin.
Le policeman continuait sa promenade de long en large, inspectait toute chose de son air de grand seigneur.
Des soldats, en 'eclatants uniformes rouges, pass`erent.
Puis, un pr'edicant tenta de rassembler quelques badauds pour leur reprocher de n’avoir point assez sanctifi'e la veille, et, d'ecourag'e, alla pr^echer plus loin la bonne parole…
Et ce fut la sortie des bonnes allant porter les commandes, que les fournisseurs s’empresseraient de faire livrer.
Le policeman avait quitt'e le milieu de l’avenue.
Debout sur le bord d’un trottoir, il surveillait le passage des domestiques, 'echangeant avec certaines petites cuisini`eres de glorieux sourires.
— Salut, miss Mary…
— Salut, officier…
Et jamais, ni lui, ni elles n’ajoutaient une phrase de plus…
Pourtant, comme fatigu'e de sa station immobile, le policeman recommencait `a faire les cent pas, il parut sortir de son apathie, et froncant les sourcils, traversa rapidement la chauss'ee, se dirigeant vers l’autre c^ot'e de la rue.
— Hep ! siffla-t-il, je vous ai d'ej`a dit de passer votre chemin… que voulez-vous ?
La demande s’adressait une seconde fois au mendiant que tout `a l’heure il avait pri'e de s’'ecarter.
Ah ca ! cet homme, allait-il le contraindre `a s'evir ? Le policeman, r'ep'eta :
— Je vous ai pr'evenu que ce n’'etait point un lieu pour dormir ?… vous m’avez compris ?
Comme pr'ec'edemment, le mendiant s’inclina :
— Dieu gracieux, officier, je vous ai parfaitement compris ! mais j’attends un damn'e garcon, et je ne saurais en v'erit'e…
Tout en r'epondant le mendiant avait souri, et, fouillant dans sa poche, regardant le policeman, il lui tendait, dissimul'ee dans sa main, une petite carte rouge, ajoutant rapidement :
— Excusez-moi, policeman, mais il est n'ecessaire que je stationne ici, et que vous ne me fassiez point remarquer…
Le policeman, cette fois, battit en retraite :
— Oh ! pardon ! monsieur, fit-il, je ne savais pas ?… je ne pouvais pas me douter…
Et il allait s’'eloigner, lorsque le mendiant le rappela :
— Hep, policeman ?
— Monsieur ?
— C’est bien au 33 qu’habite le docteur Garrick ?
Le policeman ouvrit des yeux effar'es :
— Oui, monsieur, c’est bien l`a… est-ce que… ?
— Qu’alliez-vous dire, policeman ?
— Monsieur, r'epondit l’autre, je vous prie de m’excuser, car je n’ai 'evidemment pas de questions `a vous adresser…
— Je le sais pardieu bien, mais je vous autorise `a parler…
— Eh bien, monsieur, j’allais vous demander si c’'etait relativement au docteur Garrick que vous vous trouviez dans le quartier… ?
— Cela vous 'etonnait policeman ?
— Je n’ai pas dit cela…
— Vous avez entendu parler des habitants du 33 ?
Et le pauvre diable, montrant du doigt une somptueuse petite villa dont les stores demeuraient obstin'ement clos, poursuivit :
— Est-ce qu’il n’y a personne ?
Le policeman eut un geste de doute :
— J’ignore, monsieur, mais j’ai entendu beaucoup parler du docteur Garrick…
— Vous le connaissez ?